Pascale St-Onge: une verte recrue qui ne s’en laisse pas imposer
PERSONNALITÉ DE L’ANNÉE. Lorsqu’on accepte de se lancer en politique, il faut être prêt à faire face à toute éventualité. La députée de Brome-Missisquoi, Pascale St-Onge, l’a appris à ses dépens alors qu’elle est passée d’illustre inconnue à l’un des visages politiques les plus médiatisés à travers le Canada, et ce, avec seulement quelques semaines d’expérience derrière le veston.
Disons que la députée a appris rapidement à devoir jongler avec les imprévus. Tout a commencé le soir de l’élection du 20 septembre 2021. Contrairement à la majorité des candidats à travers le pays, le résultat dans la région était si serré qu’il a fallu attendre quelques jours avant d’en connaître l’issue. Une attente interminable qui s’est soldée par une bonne nouvelle pour Pascale St-Onge.
Toutefois, la principale intéressée a à peine eu le temps de savourer le moment que Justin Trudeau la convoquait à son bureau, pour lui offrir un prestigieux siège au sein de son cabinet ministériel. «Entre le moment du résultat et l’appel du premier ministre, tout s’est passé très vite, se souvient-elle. Assurément, ça donne le vertige par moments, car il faut tout organiser, former l’équipe, comprendre et connaître les codes à la Chambre des communes et tout le reste. Mais on n’a pas le temps de s’y attarder. On plonge et se débrouille!»
Plus intense que prévu
En se voyant confier les responsabilités du ministère des Sports et ministre responsable de l’Agence de développement économique du Canada pour les régions du Québec, Pascale St-Onge s’attendait à une charge de travail «raisonnable» pour être en mesure d’apprendre le métier, sans trop de pression. «Je me disais que le sport, c’est positif et il se passe toujours de belles histoires. Même chose pour le développement économique. Finalement, on peut dire que ça bouge beaucoup!»
Même avant de se retrouver au coeur du dossier qui a monopolisé l’actualité, soit le scandale chez Hockey Canada, Pascale St-Onge a dû prendre position sur le boycottage diplomatique des Olympiques à Pékin, et après sur l’exclusion des athlètes russes et biélorusses aux Jeux paralympiques, en lien avec l’invasion de la Russie.
Des dossiers majeurs qui ont mis la table au plus important contrat de sa jeune carrière de politicienne. «Même avant d’être élue, j’avais entendu comme tout le monde des histoires dans plusieurs sports comme le hockey, la gymnastique ou encore l’entraîneur Bertrand Charest dans le ski alpin. Je savais que le monde du sport était dans un mouvement de dénonciations de situations d’abus et de maltraitance. Mais ça a pris beaucoup d’ampleur depuis mon arrivée en poste. Quand j’ai été saisie du dossier, je me suis aperçue rapidement que le système sportif avait besoin d’une grande transformation.»
Au coeur d’un mouvement collectif
Comme responsable politique du sport au pays, celle qui demeure à Orford a multiplié les sorties publiques dans le dossier de Hockey Canada pour faire pression auprès des administrateurs, allant même jusqu’à exiger leur démission. Des prises de parole fortes qui ont occupé beaucoup d’espace sur la scène médiatique, tout comme sur la colline parlementaire.
Si elle considère que la position de son gouvernement a joué un rôle crucial, elle est d’avis que le dénouement dans ce dossier est le fruit d’un effort collectif. «Des situations de violence sexuelle, il n’y a pas un ministre seul qui va régler cela, surtout dans univers qui n’est pas réglementé comme le sport.»
«La leçon à retenir est que c’est collectivement qu’on arrive à changer les choses. Tu peux avoir des catalyseurs et des leaders, et c’est ce que j’ai essayé de faire en utilisant ma voix et mon rôle pour dénoncer haut et fort. Mais si on a réussi, c’est parce que des athlètes ont eu le courage de dénoncer et que des parents, des commanditaires et que la société ont fait pression. Il y avait un dégoût collectif unanime qui a permis d’engager toute la société dans la même direction», souligne-t-elle.
Une photo frappante
Un autre fait particulier dans cette affaire est que Pascale St-Onge se retrouvait, comme femme, à se tenir debout devant un monde contrôlé principalement par des hommes. Elle est d’avis que ses valeurs ont joué un rôle fondamental pour s’attaquer à ce dossier et enfin, briser la culture du silence après des années d’inaction.
En ce sens, elle salue son premier ministre de s’être entouré de personnes de tous les horizons et elle est d’avis que cette diversité d’opinions fait la force du gouvernement actuel. «Quand il y a eu l’ascension du roi Charles, le protocole veut que le conseil privé se réunisse. Ma collègue Marci Ien, qui est une femme noire, m’a amenée voir une photo sur laquelle il y avait le conseil des ministres à l’époque de l’ascension de la reine Elizabeth II, il y a 70 ans. De voir les gens qui étaient assis au pouvoir à ce moment, et de comparer avec aujourd’hui, c’était frappant. La diversité du gouvernement actuel nous permet d’avoir la perspective de personnes qui ont été traditionnellement oubliées et pour moi, c’est une fierté.»
Du même souffle, la ministre considère que son chef Justin Trudeau ne reçoit pas suffisamment de crédit pour son travail accompli depuis son arrivée en poste en 2015. «Des fois, il faut se rappeler d’où on est parti pour évaluer où on est rendu. Je me souviens des années de Stephen Harper, qui a coupé dans les programmes sociaux, dans la science, dans la sécurité, dans les frontières et dans la fonction publique. Je me souviens de l’austérité et à quel point les personnes les plus vulnérables ont souffert. Ç’a été énormément de travail de rebâtir ce qui avait été détruit par les conservateurs.»
Un dirigeant «extrêmement préoccupant»
D’ailleurs, la principale intéressée n’hésite pas à qualifier «d’extrêmement préoccupante» l’arrivée de Pierre Poilievre à la tête du Parti conservateur du Canada. Sans le connaître personnellement, elle soutient que ses propos tenus lors des travaux parlementaires et ses comportements au Parlement prouvent déjà que ce politicien joue sur un terrain glissant et même dangereux, selon elle. «C’est extrêmement préoccupant qu’un dirigeant d’un parti officiel refuse de rendre des comptes à la presse parlementaire et utilise parfois sa voix et sa plateforme pour propager de la désinformation. Les politiciens ont une responsabilité de défendre nos institutions démocratiques qui agissent comme des contre-pouvoirs, et non pas de les attaquer, de les fragiliser et de miner la confiance des gens à leur égard comme le fait M. Poilievre avec la Banque du Canada et la presse», critique-t-elle sans détour.
Un privilège et beaucoup de sacrifices
Chose certaine, ce n’est pas le travail qui manquera d’ici la fin de son mandat. Entre ses responsabilités de ministre des Sports, qui l’obligent à voyager partout au Canada, et celles du développement économique du Canada qui l’amènent à rencontrer les entrepreneurs et travailleurs de toutes les régions du Québec, Pascale St-Onge doit ensuite partager son temps entre Ottawa et sa circonscription.
En conciliant autant d’agendas – et c’est sans compter tous les imprévus qui s’ajouteront en cours de route -, l’Orferoise ne cache pas que le travail de politicien est intense. «J’ai toujours beaucoup travaillé dans ma vie, mais la politique, c’est un autre niveau. Ça devient presque toute notre vie. On travaille même en congé ou en vacances, car l’actualité n’arrête pas, les dossiers non plus. C’est un changement majeur de rythme de vie.»
«Oui, c’est un monde très emballant, stimulant et enthousiasmant. Mais la vie personnelle devient aussi plus compliquée. Disons que c’est plus difficile d’être là pour les gens qu’on aime. On dit souvent que la politique demande beaucoup de sacrifices. Je crois surtout que ce sont des sacrifices pour les gens qui nous entourent, qui doivent accepter notre décision et qui nous le pardonnent», conclut-elle.