Amira Elghawaby s’excuse que ses mots aient «blessé» les Québécois
OTTAWA — La nouvelle conseillère spéciale chargée de la lutte contre l’islamophobie, Amira Elghawaby, s’est excusée mercredi que ses «mots» aient «blessé» les Québécois.
«J’aimerais dire que je suis extrêmement désolée de la façon dont mes mots ont été reçus, de comment ils ont blessé les gens au Québec», a-t-elle dit en anglais alors qu’elle s’apprêtait à débuter sa rencontre avec le chef bloquiste, Yves-François Blanchet, à Ottawa.
Au sortir de l’entretien qui a duré environ 45 minutes, elle a affirmé, en français, avoir passé les derniers jours à «entendre et écouter».
«Je suis convaincue, je sais – et je le dis – que les Québécois ne sont pas racistes. Ce n’était pas mon intention. Et je m’excuse sincèrement de les avoir blessés avec mes mots.»
Elle a qualifié sa discussion avec M. Blanchet de «vraiment constructive» et a remercié ce dernier d’avoir sollicité «directement un dialogue» avec elle.
«Ça, c’est l’exemple qu’on veut avoir. On va bâtir les ponts ensemble. On veut vivre ensemble», a-t-elle résumé.
Appelée à expliquer pourquoi elle estime être la bonne personne pour être conseillère spéciale en lutte contre l’islamophobie considérant que sa démission a été réclamée par une vaste majorité d’élus à l’Assemblée nationale, Mme Elghawaby a répondu qu’elle a démontré, tout au long de sa carrière, qu’elle sait être à l’écoute.
«Je veux dire aux Québécois : je vous ai entendus, je vous ai écoutés et je comprends les effets de mes mots. Et je veux vous rencontrer, vous entendre; je veux bien comprendre l’histoire québécoise et comment (les gens au Québec veulent) avancer (vers) une société inclusive pour tous.»
Dans différents textes d’opinion, la nouvelle conseillère spéciale a notamment écrit que «la majorité des Québécois sont (guidés) par un sentiment antimusulman», de même qu’ils peuvent être portés vers «la peur de perdre la pureté – la pureté du sang, la pureté de la race, la pureté des traits nationaux, des valeurs et des liens».
Le premier ministre Justin Trudeau estime que le fait que la conseillère qu’il a nommée se soit excusée «démontre à quel point c’est une personne sensible qui est ouverte aux préoccupations des autres (et) veut bâtir des ponts dans un dossier qui est difficile».
«Il y a beaucoup, beaucoup de travail à faire et elle est la bonne personne pour le faire», a-t-il dit avant de se rendre à la Chambre des communes.
Lors de la période des questions, M. Blanchet a proposé au premier ministre de le rencontrer «pour qu’on trouve une alternative à ce qui fait figure d’erreur», ce que M. Trudeau a immédiatement refusé, réitérant qu’il estime avoir fait «un bon choix».
Changement de ton
En avant-midi, le premier ministre avait tenté d’abaisser la température du débat public suscité par les propos de Mme Elghawabi ayant refait surface depuis la semaine dernière. Pour ce faire, il avait insisté sur l’histoire du Québec quant à la religion.
«Les Québécois sont parmi les plus ardents défenseurs des droits et libertés individuelles, et ça vient d’une place dans l’histoire récente où, avant la Révolution tranquille, le Québec a été soumis à une religion qui ne respectait pas ces droits et libertés individuelles, a-t-il dit. Et donc, les Québécois, ça vient d’une bonne place de vouloir défendre l’égalité homme-femme, de défendre les droits des individus, de défendre la communauté LGBTQ.»
Le premier ministre a affirmé que le vécu de la société québécoise amène «une certaine distance ou même méfiance de la religion» et que cela a été, selon lui, «mêlé un petit peu avec cette idée d’intolérance envers les autres».
«Mais ce n’est pas ça du tout. Les Québécois veulent juste que tout le monde soit libéré et soit complètement libre. Et donc, on a cette polémique, cette confrontation qui vient entre deux idées différentes», a-t-il ajouté avant de se rendre à la réunion hebdomadaire de son caucus.
M. Trudeau a invité à un dialogue qui permettrait une meilleure compréhension entre «ces différentes visions de ce qu’est une société laïque, séculaire».
«Ça va se résoudre quand les gens raisonnables (auront) une conversation réelle et profonde, a-t-il poursuivi. C’est facile de monter aux barricades et de se pointer les uns les autres du doigt, mais ça prend des gens pour expliquer les perspectives, expliquer comment des croyants, de quelques religions que ce soit, peuvent se sentir peinés par cette perspective et cette réalité de la culture québécoise.»
Aux yeux de M. Blanchet, les commentaires formulés par M. Trudeau mercredi avant-midi représentent une admission de la part de ce dernier «qu’il est grandement temps que (Mme Elghawaby) découvre c’est quoi le Québec».
«Elle ne connaît rien là-dedans, la madame. Mais si elle ne connaît rien là-dedans, la madame, pourquoi il l’a nommée?», a-t-il lancé avant d’avoir rencontré Mme Elghawaby.
Le chef bloquiste ne s’est pas adressé mercredi aux journalistes pour répondre à leurs questions au sujet de cet entretien après que celui ait eu lieu. Il prévoit toutefois le faire jeudi.
Le lieutenant du Québec pour les libéraux, Pablo Rodriguez, rencontrera à son tour, jeudi, la nouvelle conseillère spéciale.
– Avec la collaboration de Michel Saba