La musique psychédélique des années 1960 fait vibrer la rue Thomas
Alors que les lieux de rencontres pour la jeunesse du Québec, notamment les 15 à 20 ans, se multiplient de façon exponentielle au cours des années 1960, Magog n’échappe pas à ce phénomène. Il y a 50 ans, à l’approche des fêtes, les jeunes Magogois se dotaient d’un café-étudiant. En page 13 du journal local Le Progrès-Chronique de Magog du 4 décembre 1968, l’on annonçait que «Le café-étudiant Obcession ouvrira officiellement le 13 décembre ; les 15 à 20 ans sont les bienvenus.» Cette salle de spectacles musicaux loge au 620, rue Thomas (aujourd’hui l’Archevêque), petite rue sans issue située sur la rue Merry Sud entre l’Auberge Orford et l’Auberge du Grand Lac. Dans les années 1950, ce bâtiment avait logé le Magog Potato Chips, et en 2018 il est occupé par la Menuiserie de l’Estrie. Jean C., ex-président de la Fédération des associations générales des étudiants de Magog, (FAGEM), et Bertrand C., ex-étudiant, sont les initiateurs du projet. Présentée à une assemblée de parents-maîtres en novembre 1968, cette initiative avait été bien reçue. On y présenterait des spectacles de musique psychédélique, de chansonniers populaires et de groupes musicaux variés. Les jeunes de 15 à 20 ans pourront aussi s’adonner à la lecture, jouer aux cartes, au billard et autres jeux de société, et consommer des breuvages non alcoolisés. L’ouverture officielle a lieu le 13 décembre 1968 aux sons «fantastiques» des Topazes de Magog et avec la « musique délicieuse de la Révolution française» des Sinners, le premier groupe psychédélique québécois et l’un des tout premiers groupes de garage francophones fondé à Montréal en 1960. À l’occasion des fêtes, les parents sont invités à venir constater dans quelle ambiance leurs enfants se divertissent. Les débuts sont fulgurants. Les 27 et 28 décembre, 200 étudiants américains de Boston sont attendus. Le 27, on y danse à la musique des Fugitifs, un ensemble musical de Québec, et le lendemain c’est au tour des Carnival Connection, groupe de musique américain et vedette de Starovan, de les divertir. En janvier 1969, on y reçoit le groupe Le District Ouest, «formidable» orchestre de Montréal. En février, l’Obcession reçoit le populaire chansonnier Bobby Lee Silcott accompagné de ses quatre musiciens. En collaboration avec le comité JMC (Jeunesse musicale du Canada), on assiste à un spectacle des chansonniers suivants : Pierre Michaud de Gaspésie, Léon Arsenault de Magog, et Jean Custeau de Sherbrooke. En mars, Claude Gauthier, récemment applaudi à l’Olympia de Paris, captive un vaste auditoire. Le 29 mars, nos jeunes ont le plaisir d’entendre de nouveau le District Ouest, «l’un des plus grands orchestres psychédéliques d’Amérique du Nord». En une seule soirée, plus de 200 jeunes assistent à un spectacle. Pendant les deux premiers mois, quelque 6 000 admissions sont enregistrées, et moins de deux mois plus tard on atteint les 8 000. L’Obcession invite de nouveau les parents à venir voir leurs jeunes se divertir à l’occasion de la visite d’Oliver Claus, chanteur et guitariste rock au style de Jimi Hendrix. Dans les mois qui suivent, d’autres groupes bien connus s’y manifestent : les Déchaîners, The Influence de San Francisco, orchestre psychédélique en tournée au Canada; les Sound Box de Montréal avec leur soul électronique; les Topazes de Magog, The Peace of Mind, The Purple Haze, les Talmuds, les Sound Track, les Mercy’s, The Urge, les Doomed, les Munks, groupe psychédélique garage punk du Québec, les Haunted, les Black and Blues de Myles Clark et de nombreux autres. Même si l’Obcession était en compétition avec le Bistro du Centre des loisirs de Magog, où étaient présentés des spectacles identiques, les affaires allaient bon train. Il n’y avait cependant pas unanimité au sein de la direction sur l’orientation à donner à ce café-étudiant, à savoir sur le genre de spectacles à y produire : chansonniers populaires ou groupes musicaux célèbres, ce dernier choix gonflant les dépenses. De plus, les jeunes demandaient que l’on y introduise l’alcool. Un tel lieu de rencontre était convoité par les vendeurs de drogues à qui l’on avait refusé l’accès. Plutôt que de mettre tous ces jeunes vulnérables à la merci d’une organisation criminelle et de décevoir les parents, la direction optait pour la fermeture de l’Obcession après moins d’un an d’opération réussie. Par Maurice Langlois Membre Société d’histoire de Magog