Le hockey: une passion hivernale de longue date
Que les Cantonniers aient inauguré leur calendrier régulier le 31 août 2018 et les Canadiens de Montréal le 3 octobre n’a rien de surprenant pour nous. Mais ces dates hâtives auraient assurément suscité la perplexité des amateurs de hockey de 1918! Pour eux, l’expression la « saison du hockey » était alors tout à fait justifiée : même dans la Ligue nationale (LNH) les hostilités prenaient leur envol autour du 21 décembre et se terminaient avec la remise de la coupe Stanley…à la fin du mois de mars! Cet horaire était évidemment influencé par le climat. La glace naturelle est alors la norme, même dans les arénas. Aussi, il n’est pas rare qu’à l’approche des Fêtes, ou au début du printemps, des parties soient annulées, reportées ou déplacées parce que les patinoires n’offrent pas des conditions adéquates pour le hockey. Ce qui est vrai pour la LNH l’est également à Magog. Malgré tout ce que l’on raconte sur la rigueur des hivers d’antan, il faut faire preuve de patience avant que le lac Memphrémagog ne soit prêt à accueillir les hockeyeurs. Il en va de même pour les patinoires aménagées à différents endroits selon les années et auxquelles la Ville fournit eau et électricité si elles sont accessibles gratuitement au public. En plus du patinage libre pour tous, des parties de hockey sont organisées sur la Prue Rink, près des rues des Pins, MacDonald et Abbott, ou sur les patinoires de l’Académie Saint-Patrice ou de Magog-Est. Elles peuvent opposer des équipes locales, scolaires, de ligues commerciales ou autres. Même si les routes peuvent être capricieuses en hiver, les Magogois se frottent aussi aux joueurs d’autres villes. En mars 1903, des imprimeurs de Saint-Henri, sur l’île de Montréal, nous rendent visite pour affronter leurs confrères de la Dominion Textile. Avec l’amélioration du réseau routier, les circuits régionaux deviennent monnaie courante. En mars 1934, des Magogoises remportent le championnat de la Ligue féminine des Cantons-de-l’Est à Coaticook par la marque de 2 à 1, grâce aux filets d’Audrey Styan et Betty McEachin et au brio de la gardienne de but E. Gilchrist. Chez les hommes, les Pirates évoluent au début des années 1930 dans une Ligue intermédiaire avec Sherbrooke et Lennoxville. Ils disputent même une rencontre à une formation de Newport. Le 4 janvier 1931, les Magogois croisent le fer avec une équipe de Stanstead. Elle restera gravée dans les mémoires, et pas seulement parce qu’elle se rend en temps supplémentaire. En effet, victime d’une mise en échec avec la hanche jugée légale, le défenseur magogois Édouard (Eddie) Hébert décide de se faire justice en ripostant avec un coup de bâton au visage de celui qui l’a épinglé, un défenseur stansteadois du nom de Gagné. Ce dernier est inconscient. Il reprend ses sens, mais sa blessure requiert deux points de suture. Habituellement, ce qui se passe sur la patinoire reste sur la patinoire. Mais Gagné poursuit Hébert en justice pour 950 $. L’affaire se retrouve devant un tribunal le 13 octobre 1932. Le demandeur s’appuie sur différents témoignages pour démontrer que le geste de Hébert était prémédité. Un de ceux qui ont assisté la scène, le secrétaire-trésorier des Pirates, le Magogois Leonard Auger, s’était d’ailleurs excusé dans les pages du Stanstead Journal pour la « shameful action » de son joueur qu’il a suspendu. Joseph Archambault, le juge à la Cour supérieure du Québec du District de Saint-François, conclut que « le demandeur a droit à des dommages pour les douleurs physiques qu’il a endurées et pour la cicatrice qu’il portera toute sa vie […]. » Voulant « donner une leçon salutaire qui servira d’avertissement à ceux qui seraient enclins à la brutalité », mais considérant la « non-préméditation » du geste de Hébert, le juge condamne Gagné à payer 50 $. Ce verdict clôt ce que le journaliste Guy Roy, dans le livre « La violence au hockey », prétend être le premier jugement en Amérique du Nord pour un cas de violence dans ce sport. Ce qui n’entravera pas la popularité du hockey à Magog. Surtout qu’avec le nouvel aréna des frères Georges et Ambroise Hamel, inauguré le 23 décembre 1934, joueurs et amateurs pourront désormais apprécier leur sport préféré à l’abri des intempéries. Il n’est pas encore question de glace artificielle – il faudra attendre l’aréna construit dans les années 1960 – et c’est plutôt frisquet dans l’aréna « de tôle » de la rue Sherbrooke. Mais aux yeux de ceux pour qui hiver rime avec hockey, il s’agit tout de même d’un net progrès. Par Serge Gaudreau