Les 4-Fourches : petite histoire d’un carrefour animé

Qui n’a pas remarqué ce vaste terrain, vacant depuis 1997, situé à l’intersection de la route 112 et du chemin Southière, carrefour généralement connu sous le toponyme des 4-Fourches? À la suite d’un engagement pris par la CAQ pendant sa campagne électorale de 2018, le gouvernement du Québec a entrepris de construire quelque 40 Maisons des aînés au Québec, dont une à Magog, pour laquelle ce site a été choisi.

Cette Maison des aînés y admettra bientôt ses premiers résidents. Pendant plus de 130 ans, ce site stratégique n’a eu que deux vocations: d’être une ferme, puis d’être le site d’un hôtel avant de devenir vacant pendant près de 25 ans.

Une famille O’Malley, venue d’Irlande au milieu des années 1860, a occupé ce site jusqu’en 1940. Michael O’Malley (1841-1917) et son épouse Catherine Grady (1842-1892) arrivent d’Irlande avec leurs 3 enfants auxquels 12 autres s’ajouteront. Deux de leurs garçons exploiteront plus tard la ferme: Thomas (1864-1945) l’exploitera jusqu’en 1926 et son frère James (1868-1937) jusqu’à son décès, le 12 février 1937. La veuve de ce dernier décède en 1939 et la ferme est mise en vente par la succession.  

Acquise par Euclide Langlois, un homme d’affaires de Magog, en avril 1940, la ferme de quelque 50 acres inclut la maison, une grange et un poulailler. Ce nouveau propriétaire construit un ajout au côté ouest de la maison, pour en faire un «grill-salle à manger», et convertit la maison en auberge, qu’il nomme «Auberge Memphrémagog Inn». À la suite du décès de son épouse, il doit s’en départir.

ON JOUAIT AUX DARDS À L’HÔTEL DES 4-FOURCHES

En 1950, alors qu’elle est la propriété de Georges Lapointe, elle prend le nom de «Hôtel Memphrémagog». On y a ajouté des «cabines» où loger les touristes. Ce n’est qu’à la fin des années 1950 qu’elle sera connue comme «Hôtel des 4-Fourches». L’endroit est alors un lieu de rendez-vous pour les joueurs de dards de la région. Chaque hôtel et taverne a son équipe de dard et on y tient des tournois qui passeront à l’histoire. Certaines activités qu’on y présentait lui ont valu quelques descentes de la Police provinciale (aujourd’hui la Sûreté du Québec) et le courroux des autorités religieuses de l’Archidiocèse de Sherbrooke.

Sous la direction de Laurent Vincelette, qui en a été le propriétaire pendant près de 25 ans, l’endroit a connu une grande popularité. C’est précisément là que sa fille Carole, chanteuse, compositrice et interprète bien connue, a fait ses débuts sur la scène dès l’âge de 8 ans. Dans une entrevue accordée à La Tribune en février 1997, Carole Vincelette raconte que dès que sa mère l’avait mise au lit, elle se relevait pour se retrouver sur le «stage». En mars 1980, à l’occasion de l’ouverture de son grill rénové et de l’introduction de musique style «disco-country western», Carole revient sur la scène comme artiste invitée.

Vers 1983, l’hôtel 4-Fourches passe aux mains de Jules Labrie. C’est sous son administration que l’immeuble est rasé par un incendie inexpliqué, le 25 octobre 1997, alors qu’il est à vendre depuis quelques années. À l’automne 2000, Armand Tanguay, un homme d’affaires originaire de la Côte-Nord, s’en porte acquéreur. En dépit de plusieurs rumeurs qui ont circulé au cours des 20 années qui suivent, à l’effet qu’un centre commercial y serait construit, le terrain demeure vacant jusqu’à ce que le gouvernement du Québec l’achète pour y ériger une Maison des aînés.

Maurice Langlois

Serge Gaudreau