Plus de 400 000 $ dorment toujours pour protéger les milieux humides
ENVIRONNEMENT. Les sommes s’additionnent et dorment toujours pour restaurer et protéger des milieux humides et hydriques situés dans la MRC de Memphrémagog. Des 300 000 $ de l’an dernier, cette réserve atteint maintenant 429 192 $ pour compenser la perte d’environ 31 000 mètres carrés de ces écosystèmes dans la région depuis six ans, ce qui représente l’équivalent d’environ quatre terrains de soccer.
Adoptée en 2017, la Loi concernant la conservation des milieux humides et hydriques (MHH) permet à des individus, entreprises et municipalités de détruire ces zones fragiles en échange d’une compensation financière.
Cela signifie que le ministère de l’Environnement, Lutte contre les changements climatiques, Faunes et Parcs (MELCCFP) autorise des demandes de destruction de milieux humides depuis six ans, mais sans entièrement retourner dans la région les sommes exigées aux propriétaires qui modifient leur terrain ou qui souhaitent le faire.
Cette loi a été créée pour donner plus de mordant aux règles entourant la protection des milieux hydriques. Québec analyse les interventions avant de les autoriser. Les demandeurs doivent, par contre, remettre une compensation financière pour obtenir l’aval du gouvernement. Cet argent doit servir à protéger et restaurer d’autres écosystèmes similaires afin de respecter la loi qui ne vise « aucune perte nette ».
FAIBLE RETOUR DE 4,7% DES SOMMES PERÇUES
Concrètement, seulement 4,7% des sommes sont revenues dans la MRC depuis six ans. Une tranche de 20 000 $ a été octroyée pour une étude préalable en 2021 à Bleu Massawippi pour son projet intitulé « MHH Tomifobia-Massawippi ». Rien de nouveau depuis ce temps.
Pour la période comprise entre le 1er avril 2022 et le 31 mars 2023, la perte autorisée de milieux humides se chiffre à 21 014 mètres carrés dans Memphrémagog, selon le ministère. C’est davantage que l’année précédente, mais le montant perçu est moindre avec près de 136 000 $.
EASTMAN CORRIGE LES CHIFFRES DU MINISTÈRE
C’est à Eastman où le ministère de l’Environnement a permis la plus grande superficie à détruire à deux endroits, selon les données fournies par son service des communications. La Municipalité d’Eastman conteste cependant les chiffres fournis, tels que publiés dans notre édition imprimée du 1er novembre. Ses dirigeants assurent que la perte de milieux humides ne s’élève qu’à 277 mètres carrés, plutôt qu’a 7000 mètres carrés au total (environ un terrain de soccer).
On n’avait pu joindre un porte-parole du MELCCFP au moment d’écrire ces lignes pour obtenir leur version des faits.
Ces deux dossiers concernent le rehaussement du chemin de Khartoum en zone inondable ainsi que des travaux d’aqueduc et de gestion des eaux pluviales sur le chemin du Lac-d’Argent.
Sur le chemin Khartoum, Eastman assure qu’aucune somme n’a été déboursée puisque les milieux humides n’ont pas été touchés. La superficie de 6696 mètres carrés représente l’emprise du chemin Khartoum, qui est en totalité en milieu humide. Il a été construit dans les années 1990 à cet endroit pour remplacer un chemin de fer, construit au début du siècle dernier. Les travaux de rehaussement avaient l’objectif environnemental d’éviter l’érosion et le lessivage de cette route dans les milieux humides, en plus d’améliorer la sécurité. Ce projet de rehaussement a été entériné par le RAPPEL et l’Association de protection du lac Parker (APLP), aux dires de la Municipalité.
Un montant compensatoire de 5607 $ a été nécessaire pour 277 mètres carrés pour des travaux du chemin du Lac d’Argent. Cette route a été élargie pour la construction d’un trottoir, qui agit maintenant comme une digue évitant l’écoulement des eaux de pluie directement dans le lac d’Argent. L’eau de pluie ou de fonte de neige est maintenant captée par le réseau pluvial, chose qui ne se faisait pas avant. «C’est donc un mal pour un bien puisque les agrégats peuvent sédimenter dans notre système pluvial plutôt que de se diriger directement dans le lac d’Argent», réplique Eastman par voie écrite.
Dans ces deux cas, la Municipalité estime que l’environnement a été amélioré plutôt que détérioré.
En supprimant les 6696 mètres du chemin Khartoum, la superficie totale de milieux humides détruits passerait à 13 400 mètres carrés dans la MRC, soit sensiblement à l’an dernier.
4563 MÈTRES DÉTRUITS À MAGOG
La Ville de Magog vient en seconde position avec un seule et unique demande. Il s’agit de travaux d’égout en milieux humides et hydriques pour le détournement des eaux usées du secteur Omerville vers la station principale de la rue de Hatley. Les 4563 mètres carrés détruits ont coûté 51 645 $.
Le troisième rang revient à Austin avec le retrait totalisant 3746 mètres carrés de zones humides. La Municipalité a formulé une demande, qui a permis de construire la passerelle d’accès vers le sentier du Ruisseau-des-Chênes en bordure de la route 112. La seconde requête provient d’un résident pour une intervention de dragage en milieu hydrique. Ces deux dossiers totalisent 27 000 $.
Suit le Canton d’Orford avec la destruction de 3383 mètres carrés d’écosystèmes hydriques, équivalent à une compensation financière de 28 900 $. Trois entreprises se partagent autant de demandes touchant des interventions et des empiétements nécessaires pour réaliser deux projets résidentiels, ainsi qu’une maison unique dans un autre cas.
L’an dernier, les remblaiements magogois de la future quincaillerie Canac, sur la rue Sherbrooke, et du secteur des « Quatre Fourches » étaient les plus importants.
560 000 MÈTRES CARRÉS DÉTRUITS ILLÉGALEMENT EN ESTRIE DEPUIS CINQ ANS
Par ailleurs, le ministère ne possède pas de chiffres concernant la superficie précise de milieux humides détruits illégalement dans la MRC de Memphrémagog. Sur l’ensemble du territoire estrien, par contre, l’étendue approximative de ces zones hydriques serait de l’ordre de 560 000 mètres carrés (80 terrains de soccer) depuis 2018.
Par voie de communiqué, le MELCCFP assure qu’il effectue un suivi de ces dossiers pour y forcer des remises en état et des retours à la conformité.
AUTRES DESTRUCTIONS EN MÈTRES CARRÉS
(entre le 1er avril 2022 et le 31 mars 2023 dans Memphrémagog)
- Ayer’s Cliff: 1268 mètres carrés
- Bolton-Est: 555 mètres carrés
- Canton de Hatley: 283 mètres carrés
- Sainte-Catherine-de-Hatley: 173 mètres carrés
- Canton de Potton: 70 mètres carrés