Quand les pompiers apprennent à prendre soin de leur santé
DÉTRESSE. Habitués de veiller à la santé des autres, les pompiers apprenent de plus en plus à prendre soin également de la leur. À Magog, un nouveau programme en lien avec le trouble de stress post-traumatique a notamment été mis en place en 2023.
Si ce nouveau service d’aide couvre plusieurs aspects liés aux impacts qui peuvent découler d’une intervention, il s’agit avant tout d’une façon de prévenir des complications par rapport à la santé mentale.
Comme l’explique le directeur du Service de sécurité incendie de Magog, Sylvain Arteau, les pompiers ont longtemps été laissés à eux-mêmes, à une époque pas si lointaine où les blessures étaient plutôt tabous et même considérées comme un signe de faiblesse.
Toutefois, un changement dans les mentalités amène de plus en plus les intervenants à s’ouvrir et partager leurs sentiments. « Encore aujourd’hui, le métier de pompier est vu presque comme quelque chose de « glamour ». Je pense notamment à des émissions comme Occupation double où il y a des participants musclés et tatoués qui font ce métier. Mais il y a une autre réalité qui se cache derrière cette image, celle des blessures psychologiques. Dans mon cas, j’en ai vu des atrocités dans ma carrière et je ne suis pas toujours bien là-dedans. Mais l’avantage que je peux avoir sur d’autres, c’est que j’ai une grande gueule et j’en parle au lieu de le garder pour moi », partage M. Arteau.
Des scènes qui laissent des traces
C’est dans son objectif de permettre aux pompiers d’évacuer leur stress, découlant d’une intervention, que ce programme a vu le jour après plusieurs mois de travail. Il s’agit d’un accompagnement avec une firme spécialisée qui se déplace, au besoin, à la caserne pour accompagner les intervenants. « Ce que les gens ne réalisent pas, c’est qu’un pompier peut être dans un profond sommeil à 3 h du matin et en 90 secondes, il doit être prêt à sauver une vie. C’est perturbant pour un cerveau. Et en plus, dans une ville comme Magog, tout le monde se connaît ou presque. Je pense, par exemple, au jeune qui a fait un arrêt cardiaque à La Ruche l’an dernier. Les gars qui devaient réanimer cet ado, ils le connaissaient personnellement, tout comme sa famille. Imaginez toutes les pensées qui t’envahissent à ce moment-là. »
En plus de cette proximité, le directeur Arteau rappelle que certaines scènes sont très difficiles à voir et à encaisser. Il y a des cas extrêmes, comme le déraillement à Lac-Mégantic ou encore des accidents mortels, qui plongent les services d’urgence dans des films d’horreur qui les marquent à vie. « Oui, les pompiers sont formés pour faire face à des situations difficiles. Mais quand tu tombes sur un accident de voiture où les deux parents en avant sont morts, et que tu as deux bébés dans des sièges en arrière qui sont en vie, c’est impossible que ça ne te fasse rien. Même chose lorsque tu es sur un feu et que tu vois un collègue tomber au combat. Sur le coup, tu as juste le goût de brailler ton chum et le prendre dans tes bras. Mais le feu, lui, il continue et il faut que tu l’éteignes, malgré toute la douleur qui t’habite. »
Le cancer, le nouvel ennemi des pompiers
Outre tout le volet psychologique, le directeur Arteau rappelle que les pompiers sont plus exposés à des risques de cancer causés par l’exposition à la fumée. Selon Santé Canada, les sapeurs ont un risque de diagnostic de cancer qui est 9% plus élevé comparativement au grand public. Et cette statistique passe à 14% pour des décès causés par un cancer.
Une réalité qui est de moins en moins tabou et, pour laquelle, de nouvelles mesures et méthodes de travail sont implantées au sein des brigades incendie de la province. « Quand je regarde autour de moi, c’est fou le nombre d’anciens collègues qui ont un cancer. On est un des métiers où il y en a le plus. Malheureusement, au Québec, plusieurs formes de maladie ne sont pas reconnues par la CNESST. On est en retard comparativement à ce qui se fait ailleurs au Canada. C’est la preuve qu’il y a encore beaucoup de travail à faire pour protéger nos pompiers », conclut Sylvain Arteau.