La commissaire à l’éthique blanchit un élu caquiste mais note un «mélange des genres»

QUÉBEC — Une enquête blanchit le député caquiste Louis-Charles Thouin pour les messages de sollicitation aux élus municipaux de sa circonscription.

La commissaire à l’éthique et à la déontologie de l’Assemblée nationale, Ariane Mignolet, conclut que le député de Rousseau n’a pas commis de manquement au code d’éthique des élus.

Mais elle laisse entendre aussi qu’elle fera valoir d’ici à 2025 «certaines considérations et certains enjeux éthiques et déontologiques en lien avec le financement politique» ainsi que des «lignes directrices».

Elle invite les députés à «faire preuve d’une grande prudence lorsqu’ils sollicitent des contributions financières de personnes avec lesquelles ils interagissent».

Rappelons qu’en janvier dernier, La Presse Canadienne avait révélé que M. Thouin transmettait des invitations à un cocktail de financement de la Coalition avenir Québec (CAQ) à des maires pour qu’ils viennent discuter de leurs dossiers avec une invitée de marque, la ministre des Transports, Geneviève Guilbault.

L’opposition avait accusé la CAQ de remplir ses coffres en monnayant ainsi un accès privilégié à ses ministres.

Le Code d’éthique prévoit qu’un député «ne peut se placer dans une situation où son intérêt personnel peut influencer son indépendance de jugement dans l’exercice de sa charge», ou encore, «ne peut agir, tenter d’agir ou omettre d’agir de façon à favoriser ses intérêts personnels».

Or, «la preuve recueillie démontre que le désir du député d’amasser des contributions financières en vue de la prochaine campagne électorale ne constitue pas un intérêt personnel», a écrit la commissaire.

Elle indique aussi que le député n’était pas dans l’exercice de sa charge au moment d’envoyer son invitation, même s’il a eu recours à un canal de communication «utilisé essentiellement à des fins professionnelles».

Des élus municipaux ont exprimé leur «inconfort» quant à la manière choisie par le député pour les inviter, d’autres «perçoivent» que leur «affiliation présente ou passée à un parti» peut affecter leur accès à un ministre, a recueilli la commissaire dans son enquête.

Elle reproche aussi à M. Thouin d’avoir tenté de savoir quel élu avait relayé le message au média, alors que le député «ne peut communiquer en aucun temps avec les témoins pour discuter de l’objet de l’enquête».

M. Mignolet note qu’au cours des quatre années précédant les élections générales, chaque député de la CAQ a pour objectif d’amasser en moyenne entre 35 000 $ et 40 000 $ en contributions financières.

Mme Mignolet dénote «un certain mélange des genres» entre les fonctions exercées par le député et les activités partisanes auxquelles il peut être appelé à participer, mais elle estime que M. Thouin «n’a pas franchi la ligne qui sépare les activités partisanes et les activités liées à l’exercice de sa charge».

Au début de l’année, la CAQ a été plongée dans la tourmente en raison de controverses sur ses méthodes de collecte de fonds, à tel point que le chef François Legault a finalement annoncé que son parti renonçait au financement populaire.

Des messages obtenus par La Presse Canadienne révélaient que des députés caquistes invitaient des élus municipaux à des cocktails de financement en laissant entendre que ce serait une occasion pour faire avancer des dossiers.

Les députés caquistes de René-Lévesque, Yves Montigny, et d’Orford, Gilles Bélanger, avaient aussi été dénoncés.

M. Montigny avait invité un entrepreneur de sa région à rencontrer un ministre dans un cocktail en échange d’une contribution de 100 $ à la caisse du parti. M. Bélanger avait invité des maires à rencontrer la ministre des Transports, Geneviève Guilbault, en échange d’une contribution de 100 $.

Québec solidaire avait demandé à la commissaire d’enquêter, mais elle avait jugé qu’il n’y avait «pas de motifs raisonnables, basés entre autres sur la jurisprudence du commissaire, de croire qu’un manquement aurait pu être commis au Code».

Le député caquiste de Chauveau et vice-président de l’Assemblée nationale, Sylvain Lévesque, a également été éclaboussé.

Un citoyen qui voulait faire cheminer un dossier auprès du ministre des Finances, Eric Girard, avait été invité par une employée du bureau de circonscription de M. Lévesque à verser 100 $ au parti pour rencontrer le ministre au cours d’un cocktail. La commissaire a ouvert une enquête.

La loi permet à tout citoyen de contribuer jusqu’à 100 $ par an à la caisse d’un parti, mais la contribution doit être faite «sans compensation ni contrepartie», pour «éviter qu’un parti ou qu’un candidat se trouve dans une situation où il se sentirait redevable face à la contribution versée par un donateur et s’assurer que chaque donateur agit volontairement pour verser sa contribution, de son propre chef et à même ses propres fonds, sans subir de pression ou de promesse d’une tierce personne», stipule Élections Québec.

La Presse Canadienne avait également appris que près de la moitié des maires, soit 503 sur 1138, ont contribué au financement de la CAQ depuis les élections municipales de 2021, pour un total de près de 100 000 $.

Le Soleil avait d’ailleurs révélé que Mme Guilbault et son collègue à l’Économie, Pierre Fitzgibbon, étaient de loin les ministres les plus populaires invités à des cocktails de financement caquistes. Incidemment ce sont deux ministères qui attribuent beaucoup de subventions, avait alors souligné le Parti québécois (PQ).

QS a accusé la CAQ d’avoir mis sur pied un «stratagème» de financement, tandis que le PQ a évoqué une méthode «systémique» de financement.