Les Québécois sont mal outillés pour évaluer l’impact écologique de leurs aliments

MONTRÉAL — Les consommateurs québécois sont mal outillés quand vient le temps de choisir des aliments à faible empreinte écologique, démontre une nouvelle étude de l’Université Laval.

Environ la moitié d’entre eux, soit 48 %, croient ainsi, à tort, que le transport des aliments est le facteur le plus influent sur la production de gaz à effet de serre dans le secteur alimentaire.

«Quand on demande aux consommateurs quelle étape de la vie de votre produit alimentaire contribue le plus aux émissions de gaz à effet de serre, les consommateurs nous répondent, c’est le transport», a commenté la responsable de l’étude, la professeure Laure Saulais.

«Ils sont focalisés là-dessus, alors que dans la très grande majorité des cas, c’est la production qui est responsable de la majeure partie des émissions qui sont reliées au produit.»

L’équipe de recherche de la Faculté des sciences de l’agriculture et de l’alimentation a interrogé un millier d’adultes vivant au Québec afin de mesurer leurs connaissances et leurs croyances au sujet de l’empreinte écologique des aliments. «On voulait savoir quels seraient les besoins des consommateurs pour faire les bons choix, c’est-à-dire les choix qui ont un impact environnemental plus faible», a expliqué Mme Saulais.

Les réponses au questionnaire en ligne ont révélé que les participants avaient un niveau de connaissances peu élevé sur le sujet. La note moyenne obtenue a été de 6,8 sur 16, un résultat comparable à celui observé dans les autres pays où des études similaires ont été menées.

Des études antérieures ont montré que le transport ne génère qu’un dixième des émissions de gaz à effet de serre de tout le secteur alimentaire. Pour le bœuf, ce pourcentage est d’à peine 0,5 %.

«Il y a eu beaucoup de communications grand public sur l’impact du transport, et puis pas seulement au niveau de l’alimentation, a rappelé Mme Saulais comme hypothèse pour expliquer cette croyance bien ancrée dans la population. Finalement, c’est un peu l’arbre qui cache la forêt.»

En bout de compte, a-t-elle ajouté, l’impact du transport «c’est vraiment pas grand-chose pour beaucoup de produits par rapport à l’impact qu’a la production».

On peut aussi supposer que «transport» est un concept plus facile à saisir pour la population que «production». Imaginer l’impact du transport de fraises de la Californie jusqu’à l’épicerie du coin est plus facile à imaginer que l’impact de la manière dont ces fraises ont été produites.

D’autres chercheurs ont d’ailleurs témoigné de cette «déconnexion» entre les consommateurs et leur alimentation, a rappelé Mme Saulais.

«On ne dit pas que le transport n’a pas d’impact, mais certainement qu’il en a beaucoup moins en proportion, a-t-elle dit. Ce n’est pas la première chose sur laquelle il faudrait agir sur la question des émissions de gaz à effet de serre.»

De cette croyance erronée découlent les solutions préconisées par les participants au sondage pour réduire l’impact environnemental de leur alimentation: 37 % des participants jugent que le fait de «manger local» fait partie des trois solutions les plus efficaces pour atténuer cet impact, et 28 % ont sélectionné «consommer moins d’aliments importés».

Dans les faits, dit Mme Saulnais, les deux mesures les plus efficaces sont la réduction de la consommation de viande rouge et la diminution du gaspillage alimentaire.

Les consommateurs soucieux de réduire l’impact environnemental de leur alimentation devraient donc s’attarder davantage au type d’aliments qu’ils consomment et à leur mode de production plutôt qu’à leur provenance, a dit la chercheuse.

Mais évidemment, si l’on doit choisir entre un aliment qui vient du Québec et le même aliment produit de façon identique dans un autre pays, le produit local est préférable, nuance-t-elle.

Différents pays planchent actuellement sur le développement et l’adoption d’un étiquetage qui permettrait d’établir l’empreinte écologique de chaque aliment, a rappelé Mme Saulais. Même si le prix aura probablement toujours l’influence la plus importante sur les choix des consommateurs, l’ajout d’un tel étiquetage leur permettrait aussi de comparer les aliments en fonction de leur empreinte.

Mme Saulais espère que le gouvernement canadien lancera un processus similaire, plutôt que de laisser aux producteurs alimentaires le soin de faire valoir les mérites écologiques de leurs produits.

«L’idée serait d’avoir un système d’information standardisé qui permet de comparer tous les produits, puis on ferait notre épicerie en connaissance de cause», a-t-elle conclu.

Les conclusions de cette étude ont été publiées dans le journal scientifique Appetite.