Guilbault a perdu sa crédibilité pour assurer la sécurité routière, dit le PLQ
QUÉBEC — Accusé par l’opposition de négligence dans la répression de la conduite en état d’ébriété, le gouvernement Legault reste inflexible: il n’imposera pas de nouvelles sanctions administratives aux chauffards ivres.
L’opposition a dénoncé mardi «le scandale de l’alcool au volant» du gouvernement caquiste.
Le Parti libéral (PLQ) reproche à la ministre des Transports, Geneviève Guilbault, de ne pas avoir lu un avis de la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ), qui est favorable à l’idée d’imposer des sanctions administratives aux conducteurs dont le taux d’alcoolémie se situe entre 50 mg d’alcool/100 ml de sang et 80 mg d’alcool/100 ml de sang.
Or Geneviève Guilbault s’était opposée à l’ajout de cette mesure dans un projet de loi qu’elle a piloté et elle a avoué récemment ne pas avoir lu cet avis.
Le PLQ est pour le resserrement à 0,05; le précédent gouvernement Couillard avait envisagé de l’imposer, mais sans donner suite.
Questionnée à de nombreuses reprises en Chambre, jamais la ministre n’a dit qu’elle avait lu l’avis et en outre, elle a laissé entendre que les sanctions actuelles sont suffisantes.
«Je pense qu’un ministre qui avoue ne pas lire les avis d’experts avant de prendre les décisions n’a tout simplement pas la crédibilité pour assurer la sécurité routière», a lancé le député Monsef Derraji en mêlée de presse au parlement, sans aller jusqu’à demander la démission de la ministre.
C’est «le scandale de l’alcool au volant avec ce gouvernement caquiste», a-t-il ajouté.
C’est le coroner Yvon Garneau qui avait demandé en octobre 2021 au ministère des Transports et à la Société d’assurance automobile (SAAQ) de réaliser une analyse de faisabilité sur ce resserrement potentiel, réclamé par des groupes et des proches de victimes de chauffards ivres.
Le PLQ avait demandé l’avis en vertu de la loi d’accès à l’information, mais il a été abondamment caviardé.
Cependant, Le Devoir a obtenu le document dans son intégralité. La SAAQ voit dans des sanctions administratives pour les taux d’alcoolémie entre 0,05 et 0,08 une «mesure porteuse», peut-on lire.
«Il n’y a pas tout le monde qui est au courant du détail de chaque analyse qui se fait à la suite de chaque recommandation du coroner», a affirmé à sa défense Mme Guilbault à la période de questions, en rappelant qu’elle sait «comment fonctionnent les recommandations du coroner» – ayant été elle-même autrefois porte-parole du coroner.
Enfin, elle n’a pas semblé ouverte à resserrer le régime de sanctions en place. «On a un régime déjà très sévère au Québec», a-t-elle déclaré.
«On veut sauver des vies, la ministre a refusé d’aller dans cette direction», a condamné le député Étienne Grandmont, de Québec solidaire (QS).
Citant Le Devoir, il soutient qu’il y avait des «dissensions» au sein du caucus caquiste sur cette mesure et que donc, «elle a décidé de mettre le couvercle sur la marmite», a-t-il poursuivi.
«Alors que le débat était vraiment incontournable à l’Assemblée, elle aurait été négligente au point de ne pas lire l’étude commandée par son ministère? a demandé le chef péquiste Paul St-Pierre Plamondon en mêlée de presse. Ou alors elle ment et on ne peut pas se fier à sa parole.»
Il réclame une commission parlementaire pour discuter du resserrement de la norme, du resserrement des barrages routiers et d’autres mesures préventives.
«Le gouvernement caquiste ne veut pas être confronté à des experts ou à la science. (…) Ça rend le débat difficile parce qu’il n’y a pas de transparence», a conclu M. St-Pierre Plamondon.
Sous le gouvernement libéral de Philippe Couillard, le ministre des Transports de l’époque, André Fortin, avait envisagé d’imposer des sanctions à partir de 0,05, mais avait finalement renoncé.
M. Fortin a expliqué pourquoi son parti et lui ont changé d’idée.
«L’opinion publique n’est pas la même qu’elle était en 2018 et aujourd’hui, il y a eu une évolution dans la pensée de beaucoup de gens autour de cette question», a-t-il répondu, en évoquant que d’autres provinces telles que l’Ontario et la Colombie-Britannique ont resserré aussi les règles sur l’alcoolémie.
«Il n’y a pas de raison pour ne pas procéder aujourd’hui, à titre d’élu, il faut s’adapter à la réalité.»