Bilan sédimentaire du ruisseau Castle: un phénomène plus naturel qu’on le pense
ENVIRONNEMENT. Une récente étude d’experts pointe du doigt les activités humaines comme l’une des causes de l’accumulation de sédiments du ruisseau Castle. Cependant, environ 75% de cette charge sédimentaire seraient présentes de façon naturelle dans ce cours d’eau situé à Magog et au Canton d’Orford.
Ces sédiments au fond de ce cours d’eau et à son embouchure au lac Memphrémagog inquiètent les riverains depuis plusieurs années, autant sur le plan écologique que pour la plaisance nautique.
La Ville de Magog a commandé un bilan sédimentaire du ruisseau Castle pour en avoir le cœur net et cibler des actions à entreprendre. Obtenu en vertu de la Loi sur l’accès à l’information, ce document réalisé par les groupes Rivières et Avizo a été déposé en janvier 2024.
D’entrée de jeu, les auteurs préviennent qu’un éventuel plan d’action, peu importe les mesures, « ne permettra pas de contrer la problématique de sédimentation à l’embouchure, au lac Memphrémagog. Il ne peut qu’aspirer à en réduire la vitesse de comblement et ainsi retarder la reconstruction inévitable du milieu humide en cours. »
Ces experts en hydrogéomorphologie et en génie environnemental ajoutent qu’à l’état naturel, le ruisseau Castle transporterait 903 tonnes/année de sédiments en suspension.
Selon eux, les activités humaines contribueraient à une augmentation totale d’environ 24% (1118 tonnes/année vs 903 tonnes/année).
Plus spécifiquement, l’aménagement du territoire (défrichage, urbanisation et routes) contribuerait à une hausse de 18% de la charge annuelle (1069 tonnes/année vs 903 tonnes/année).
Quant à la part du soufflage de neige sur la montagne du Mont-Orford, elle représenterait une variation supplémentaire de 5% de la charge annuelle.
Cette charge sédimentaire de 1118 tonnes par année n’est pas spécialement anormale, selon les auteurs, mais elle figure néanmoins au-dessus d’autres cours d’eau similaires du Québec et de l’Estrie.
UN ÉLÉMENT NOUVEAU À LA VILLE
Directeur de l’Environnement et des infrastructures municipales de Magog, Marco Provost a été surpris d’apprendre que la nature était une source de sédimentation beaucoup plus importante que les activités humaines. «Ce cours d’eau en transporte et en a besoin pour survivre, explique-t-il. On peut corriger des sources provenant de construction de maison ou de route, mais on ne peut rien faire contre les besoins de la nature.»
LES SOURCES À CORRIGER
Les sous-bassins du Mont-Orford (jusqu’à la rue Martel près de l’autoroute) et en aval du ruisseau Castle (de la rue Martel jusqu’à l’embouchure du lac Memphrémagog) contribueraient le plus à la charge de sédiments en suspension, selon l’étude. Ces sous-bassins sont jugés prioritaires pour la mise en place de mesures d’atténuation.
Pour le sous-bassin du Mont-Orford, les experts recommandent prioritairement de s’attarder au contrôle de l’érosion sur les sentiers aux abords des ruisseaux Orford et Giroux, sur la montagne du Mont-Orford, et de surveiller l’érosion sur les chantiers de construction.
Pour le sous-bassin en aval, on suggère de surveiller attentivement les cours d’eau près du Croissant de la Montée et du bassin Corriveau.
Parmi les recommandations, on propose d’entretenir les bassins de sédimentation du réseau pluvial.
Marco Provost voit d’un bon oeil ces recommandations. Il informe que les instances concernées sont prêtes à collaborer pour réduire cette charge sédimentaire. Selon lui, Magog, Austin, Canton d’Orford et le Mont-Orford prévoient déposer un plan d’action quelque part en 2025. «On cible parfois trop facilement la station de ski comme principale responsable, mais des travaux du MTQ sur l’autoroute, le développement du territoire, le défrichage et les chaussées en gravier contribuent également à faire transporter des sédiments jusqu’au lac Memphrémagog», ajoute-t-il.
PAS DE DRAGAGE DE LA FOSSE BROADBENT
Contrairement à l’avis de riverains, le dragage de la fosse Broadbent n’est pas une solution efficace à long terme pour la gestion des flux sédimentaires. Selon les experts, les volumes captés représentent une quantité marginale, sans incidence significative sur le niveau du lit ni pour faciliter le passage des embarcations.
L’étude conclut que la présence de sédiments est nécessaire et tout à fait naturelle. Les auteurs rejettent l’option de stabilisation des berges, car « le contrôle total de l’érosion par de la stabilisation est un objectif irréaliste et nuisible ».
La renaturalisation du cours d’eau est l’approche recommandée par les experts. À leur avis, cette approche permet d’y mitiger le flux de sédiments fins. « Ils érodent moins et le matériel érodé participe au maintien d’un écosystème fonctionnel et résilient », lit-on.
Ils proposent aussi d’augmenter la sévérité des normes et de surveiller davantage les chantiers de construction. « Tous nouveaux projets de développement dans ces bassins versants devront tenir compte des impacts sur le régime hydrologique afin de ne pas accentuer la problématique », observe-t-on parmi les solutions à envisager.