Les libéraux d’arrière-ban ne se précipitent pas pour donner leur appui à Trudeau

OTTAWA — Les députés libéraux qui ne font pas partie du cabinet sont loin de s’être précipités en masse lundi pour réitérer leur appui à Justin Trudeau face aux journalistes qui les attendaient à leur retour au parlement, après une semaine de relâche où le leadership du premier ministre a une fois de plus été mis à l’épreuve.

Questionné à savoir s’il a toujours confiance en son chef, le député de Pierrefonds—Dollard, dans l’ouest de Montréal, Sameer Zuberi, a répondu que c’est une discussion qui doit se tenir lors des réunions du caucus et qu’«on veut avoir cette conversation très bientôt».

Un autre député d’arrière-ban, Ken Hardie, qui représente une circonscription de la Colombie-Britannique, a dit avoir confiance en M. Trudeau, mais a été bien plus prudent lorsqu’il s’est fait demander s’il croit qu’il devrait rester chef. «C’est quelque chose que je vais garder pour mercredi», a-t-il répondu, en référence à la prochaine réunion du caucus.

Le député représentant la circonscription de Charlottetown, à l’Île-du Prince-Édouard, Sean Casey, a confirmé avoir signé une lettre demandant à M. Trudeau de démissionner, affirmant qu’il serait dans l’intérêt de la nation qu’il se retire et laisse quelqu’un d’autre prendre les rênes du pouvoir.

M. Casey n’a cependant pas voulu dire combien de ses collègues avaient également signé la fameuse lettre: une lettre que tous ses collègues interrogés en présence de La Presse Canadienne disent ne pas avoir vue. Le député a soutenu que les Canadiens n’écoutent plus le premier ministre, ce qui le détourne du travail du gouvernement.

«Le vote est un exercice émotionnel. Il n’est pas basé sur la logique ou la raison. S’il était basé sur la logique et la pensée rationnelle, nous serions en hausse de 20 points, pas en baisse. Mais il y a eu un bagage accumulé», a-t-il dit aux journalistes.

L’Ontarien Marcus Powlowski a refusé de dire ce qu’il pense du mouvement de députés qui tentent de montrer la porte à M. Trudeau. «Je vais m’acheter un gros sac de popcorn et regarder le spectacle», a-t-il dit.

«Comme ancien médecin de salle d’urgence, si le sang ne gicle pas sur le plafond, ce n’est pas une urgence», a ajouté l’élu, sans préciser l’état des lieux ou préciser sa pensée.

Selon plusieurs médias, un groupe de députés libéraux se prépare en coulisses dans le but de confronter M. Trudeau lors de la réunion du caucus du Parti libéral prévue mercredi. Le premier ministre devrait alors faire face au défi le plus sérieux à son leadership jusqu’à présent. Ces députés voudraient avoir une sérieuse conversation avec leur chef au sujet de la baisse de popularité des libéraux dans les sondages.

La stratégie précise et l’ampleur du mouvement visant à pousser M. Trudeau à démissionner restent floues, bien que certains députés qui se sont confiés à La Presse Canadienne aient mentionné que le nombre d’élus impliqués est important.

M. Trudeau pourrait contourner ces deux problèmes en décidant de proroger le Parlement, ce qui mettrait fin à la session et préparerait le terrain pour un nouveau discours du Trône.

Certains observateurs politiques estiment que cette décision permettrait au Parti libéral d’avoir le temps nécessaire pour organiser une course à la chefferie si M. Trudeau décide de démissionner.

Lundi, le député d’Argenteuil—La Petite-Nation, en Outaouais, Stéphane Lauzon, a pour sa part mentionné que le caucus du Québec, dont il est le président, est sorti pour appuyer M. Trudeau.

Sent-il que le caucus est uni, justement. «On a eu de bonnes discussions, a-t-il répondu. Ce qui s’est produit au caucus du Québec reste au caucus du Québec.»

Des appuis

À peine une poignée d’élus ont défendu leur chef. Le député d’Ottawa-Centre, Yasir Naqvi, a répondu du tac au tac qu’il appuie M. Trudeau et soutenu qu’il fait «un travail important et difficile lorsqu’il s’agit de construire l’économie et de s’assurer que nous ayons un avenir radieux pour le pays».

Selon M. Naqvi, l’adversaire est le chef conservateur Pierre Poilievre dont les politiques sont «dangereuses», «imprudentes» et qui vient à «nous ramener en arrière».

Mais il s’est fait évasif lorsque questionné à savoir s’il est préoccupé par le leadership de son chef. «Notre travail est de s’assurer que l’on est concentré sur le bien-être des Canadiens», a-t-il dit.

À la sortie de différentes salles de comité, les députées Judy Sgro, Mona Fortier et Maninder Sidhu ont tour à tour déclaré à la volée que M. Trudeau est «un bon chef», qu’elles l’appuient et qu’il ne devrait pas céder sa place.

Des ministres, sans surprise, ont serré les rangs derrière M. Trudeau. «C’est quelqu’un (…) qui est là pour le Canada, a dit le ministre de la Santé, Mark Holland. J’ai énormément de respect pour lui et toute la confiance dans son leadership.»

En après-midi, l’ancienne première ministre libérale de la Colombie-Britannique, Christy Clark, qui a signalé dans une déclaration à Radio-Canada qu’elle pourrait être intéressée à diriger le Parti libéral du Canada, a précisé ses propos.

«Le premier ministre a gagné le droit de prendre lui-même toute décision concernant son leadership – le poste de chef n’est pas ouvert», a-t-elle écrit sur X.

Les députés reprenaient lundi une 11e journée de débat sur une demande des conservateurs concernant des documents sur les dépenses fédérales dans des projets de technologies vertes.

La question de privilège a pratiquement paralysé les travaux de la Chambre, alors que les libéraux tentent de maintenir leur emprise sur un Parlement minoritaire de plus en plus conflictuel.

Le premier ministre prévoit remanier prochainement son cabinet pour remplacer quatre ministres qui n’ont pas l’intention de solliciter un nouveau mandat.

Des élections générales sont prévues en octobre prochain à Ottawa, mais elles pourraient avoir lieu plus tôt si les libéraux perdent la confiance de la Chambre.

Lors de la période des questions, les conservateurs – qui ont au préalable ignoré les questions de la presse parlementaire – s’en sont donné à cœur joie face à la fronde qui secoue les libéraux.

«Il essaie de sauver sa peau de ses propres députés qui sont maintenant en rébellion. (…) C’est bizarre que, même si les libéraux n’ont pas confiance en ce premier ministre, le chef du Bloc continue d’avoir confiance en ce premier ministre», a lancé Pierre Poilievre.

Quant au chef du Nouveau Parti démocratique (NPD), Jagmeet Singh, il a soutenu que «tout le brouhaha» chez les libéraux montre que M. Trudeau met l’accent sur «ses propres intérêts et son propre futur» plutôt qu’à solutionner les problèmes de la population.

— Avec des informations de Rosa Saba, Nojoud Al Mallees, Laura Osman et Jim Bronskill