Fin du recrutement infirmier en Afrique: décision «salutaire», dit le délégué à Dakar
QUÉBEC — Il fallait que le Québec cesse de recruter des infirmières en Afrique, sinon sa réputation en aurait pâti, selon le délégué général du Québec à Dakar, au Sénégal, Iya Touré.
«La décision, elle est salutaire», a-t-il déclaré lundi en entrevue dans un hôtel de Québec en marge de la Rencontre annuelle des représentants du Québec à l’étranger, ajoutant même: «Je l’aurais prise plus tôt.»
En mars 2023, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) rapportait que 37 des 55 pays luttant contre les pires pénuries de personnel de santé étaient africains. Elle appelait à protéger les systèmes de santé vulnérables.
Le Québec, qui, depuis deux ans, est allé chercher autour de 1000 infirmières africaines, a annoncé le 2 octobre dernier qu’il mettait fin à son recrutement en Afrique, sauf en Tunisie, pour des raisons «éthiques».
«On en parlait depuis longtemps, nous qui sommes sur le terrain», a affirmé M. Touré, expliquant avoir sensibilisé le gouvernement Legault.
«Quand vous allez au Cameroun, au Bénin, au Togo, en Côte-d’Ivoire, au Maroc, bien les autorités vous disent: « Nous, on forme les gens, (ça) coûte cher à former et vous venez prendre nos crèmes. Ils s’en vont! »
«On avait monté l’information pour dire: « Soyons prudents »», a-t-il relaté.
Selon le délégué général, le gouvernement du Québec a finalement pris la «bonne décision» d’envoyer «un message clair à ces pays-là (…) qui sont dans le besoin».
«On n’avait pas le choix. Il fallait donner un signal, parce qu’on avait l’OMS, l’Organisation internationale pour les migrations et le Bureau international du travail aussi» qui mettaient de la pression.
«Il fallait le faire, c’était la bonne chose, et ça permet aussi de préserver la réputation du Québec, chose sur laquelle on ne négocie pas du tout, d’aucune façon. Ça passe avant tout», a déclaré M. Touré.
En attendant la visite de Legault…
La délégation du Québec à Dakar, qui compte aujourd’hui 15 employés, couvre une douzaine de pays. Elle a entre autres pour mission d’accompagner les entreprises québécoises dans l’exploration de marchés.
Pour ce faire, elle doit assurer une présence politique et financière «soutenue» sur le territoire africain, qui est de plus en plus convoité par la Chine, la Russie et la Turquie, selon Iya Touré.
Ex-vice-président chez Investissement Québec, M. Touré espère d’ailleurs pouvoir un jour accueillir le premier ministre François Legault.
«En Afrique, comme dans beaucoup de pays asiatiques, le politique doit précéder l’économique. Il faut que la relation politique soit établie, que les gens vous voient régulièrement. Après, ils vont penser à vous sur le plan économique. Honnêtement, je suis très vocal là-dessus auprès du gouvernement.»
Le dernier premier ministre du Québec à s’être rendu à Dakar est le libéral Philippe Couillard. Cependant, la ministre caquiste des Relations internationales, Martine Biron, a effectué plusieurs missions en Afrique depuis deux ans.
Autre défi: dans un contexte «un peu difficile de restrictions budgétaires» à Québec, M. Touré anticipe de devoir «travailler différemment» et «recibler davantage» ses actions.
Il donne l’exemple d’événements organisés par le Québec, comme le Sommet international sur l’entreprenariat et l’innovation qui est désormais majoritairement financé par le secteur privé.
«Ça, c’est fantastique. C’est ce genre d’exercice qu’il va falloir faire», soutient-il.