Le CHU Sainte-Justine inaugure le Centre IMAGINE

MONTRÉAL — Le CHU Sainte-Justine a inauguré mercredi le Centre IMAGINE, qui est présenté comme le centre de recherche en imagerie pédiatrique le plus sophistiqué au Canada.

Les équipements à la fine pointe de la technologie du centre permettront dorénavant aux chercheurs de détecter plus rapidement et avec plus de précision que jamais des anomalies cérébrales, entre autres chez les enfants à risque, comme les prématurés ou ceux qui sont sur le spectre de l’autisme.

Et pour une fois, il s’agit d’un centre consacré entièrement à la recherche pédiatrique, et non d’un centre de médecine adulte dont les enfants profiteront à temps perdu, se réjouissent les chercheurs.

«Pour une fois on ne sera pas la (cinquième) roue du carrosse, a applaudi le docteur Gregory Lodygensky, qui est clinicien-chercheur au CHU Sainte-Justine et co-directeur du Centre IMAGINE. On est là pour les enfants, avec les meilleurs équipements disponibles, et c’est extraordinaire.»

Les capacités du centre unique au pays frisent la science-fiction.

Il est notamment doté de techniques de correction des mouvements tellement avancées que la sédation sera grandement réduite, quand elle ne deviendra pas complètement inutile. En d’autres mots, il ne sera pratiquement plus nécessaire d’endormir les petits patients pour les empêcher de gigoter pendant l’examen.

Les chercheurs pourront aussi maintenant examiner les enfants dans des environnements réels ou simulés grâce à des technologies comme la réalité virtuelle, qui recréeront des situations de la vie quotidienne pendant les examens. Cela permettra d’analyser comment le cerveau réagit à des stimuli sociaux ou comportementaux dans des contextes se rapprochant de la réalité.

«On ne parle pas seulement d’une nouvelle pièce d’équipement, a dit l’autre co-directrice du Centre IMAGINE, la professeure Patricia Conrod, qui est aussi chercheuse au Centre de recherche Azrieli du CHU Sainte-Justine. C’est un centre entier qui est équipé pour mieux étudier le développement du cerveau et son interaction avec son environnement.»

L’intelligence artificielle optimisera par ailleurs l’analyse des images, améliorant la détection des anomalies cérébrales d’une part et l’intégrité cérébrale résiduelle de l’autre.

Ce genre d’approche permettra d’utiliser l’imagerie par résonance magnétique (IRM) dans l’évaluation de nouvelles thérapies de protection du cerveau.

«Le centre est équipé de gradients qui sont capables d’aller chercher jusqu’à un quart, voire 50 % plus de qualité d’image, a dit le docteur Lodygensky. Ça permet soit d’aller chercher une résolution plus élevée, ce qui est utile parce que les enfants ont des cerveaux plus petits, soit d’aller plus vite, mais à résolution équivalente, ce qui est aussi utile en pédiatrie parce que les enfants n’ont pas toujours envie de rester dans la machine. Donc, ça permet de faire quelque chose de qualité.»

L’IRM pourra aussi détecter, chez les bébés nés prématurément, des anomalies dans la substance blanche du cerveau qui sont souvent associées à des retards cognitifs ou moteurs. Grâce à un suivi longitudinal, l’évolution du développement du cerveau sera observée afin d’ajuster les interventions thérapeutiques pour maximiser les chances d’un développement normal.

L’IRM fonctionnelle pourra identifier avec précision les zones cérébrales responsables des crises d’épilepsie, facilitant ainsi la mise en place de traitements personnalisés, comme la neurostimulation ou la chirurgie, selon la localisation et la sévérité des crises.

Le centre permettra enfin aux chercheurs d’explorer l’impact de certaines maladies génétiques rares sur le développement du cerveau, a rappelé le docteur Lodygensky.

«On va être capable de mieux évaluer l’impact de la maladie, mais l’idée c’est aussi d’évaluer l’efficacité des médicaments qu’on donnerait pour protéger le cerveau et de voir s’il y a une zone (du cerveau) plutôt qu’une autre qui est améliorée par tel ou tel médicament, a-t-il dit. Donc, ça nous donne un petit peu une meilleure compréhension des mécanismes à la fois de la maladie, mais aussi des traitements, s’il en existe.»

Prévention

Dans une majorité de cas, les premiers symptômes d’un trouble de santé mentale apparaissent au cours de l’enfance ou de l’adolescence, a rappelé la professeure Conrod.

En déployant les bonnes interventions au bon moment, a-t-elle ajouté, il est possible de changer la trajectoire neurodéveloppementale d’un jeune, et c’est ce que le nouveau centre permettra de faire.

«Un jeune sur quatre va avoir un problème de santé mentale avant l’âge de 25 ans, a rappelé la professeure Conrod. À Sainte-Justine, nous avons une expertise énorme, mais il nous manquait les outils technologiques pour mesurer le développement du cerveau des jeunes.»

La prévention en santé mentale, ont expliqué les responsables du projet, sera facilitée par les avancées en imagerie cérébrale, «permettant d’identifier des biomarqueurs de vulnérabilité neuropsychiatrique très tôt».

Les chercheurs seront par exemple en mesure de repérer des signes précoces de troubles tels que l’anxiété, la dépression ou les troubles de l’attention, ou encore les effets des troubles liés à la consommation de substances et du stress chronique.

«Le cerveau change chaque année, a souligné la professeure Conrod. Il y a des changements de la naissance jusqu’à l’âge adulte. Alors, il nous faut une masse critique de données, par exemple, pour pouvoir développer des courbes de développement normatif. Donc, ça implique un esprit collaboratif avec d’autres institutions et tout un cadre d’harmonisation des mesures et des données.»

Le Centre IMAGINE, a-t-elle dit, c’est aussi «une masse critique d’équipements de pointe».

«Mais c’est aussi un très grand nombre d’experts exceptionnels qui collaborent pour relever des défis importants et qui sont vraiment positionnés pour faire avancer la science pédiatrique, a conclu Mme Conrod. C’est sans équivalent en Amérique du Nord ou ailleurs dans le monde.»