La Filature urbaine: un rêve réalisable?
CONSTRUCTION. Plus de 800 habitations, des commerces de proximité, une résidence pour personnes âgées, une grande place publique, des espaces verts, un accès à la rivière Magog, des sentiers pour piétons, des corridors cyclables et des stationnements souterrains. Telle est la proposition de six finissants en urbanisme de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) pour valoriser, sur une période de 25 ans, le complexe de l’ancienne Dominion Textile de Magog.
Intitulé «Filature urbaine», ce concept possède le potentiel de devenir un exemple urbanistique d’ampleur sur la scène nationale et internationale. Selon les auteurs, ce site représente une opportunité «majeure et rare» que les politiciens et les citoyens se doivent de saisir. «S’ils ne le font pas, c’est l’un des «mythes» fondateurs de Magog qui risque de disparaître», préviennent-ils.
Ces finissants invitent les élus à redéfinir la façon d’habiter la ville dans une optique de développement durable. Selon eux, il s’agit aussi d’une opportunité de lutter contre la crise du logement. «Réinventer la ville devient une évidence, surtout dans un contexte d’urgence climatique et d’un patrimoine collectif mis à mal», lit-on.
Conscients de l’envergure du projet, les étudiants signalent que la réalisation de ce projet rencontrera des défis de taille, à commencer par sa facture estimée entre 424 et 500 millions de dollars. Ils sont convaincus que cette transformation est réalisable, mais en présence d’investisseurs aux reins solides. Des subventions gouvernementales seront primordiales en raison de la faible marge de profits. D’autres analyses plus approfondies seront nécessaires pour préciser la facture finale.
ENGAGEMENT DE 80 M$ POUR LA VILLE
Ce sera également un enjeu important pour la Ville de Magog, aux dires des auteurs du rapport final. Les investissements pour voir naître la «Filature urbaine» sont considérables en comparaison avec le budget actuel de la Municipalité. Les aménagements des espaces publics et l’ajout de services aux citoyens sont estimés à 80 M$. Toutefois, les nouveaux revenus provenant des taxes foncières, des droits de mutation et des permis de construction permettraient d’éponger ces investissements sur une période de trois ans après la fin de la construction.
On sollicite l’appui des gouvernements, compte tenu d’embûches supplémentaires liées à de lentes négociations avec le ministère du Transport et de la Mobilité durable du Québec (MTQ). On craint aussi un embourgeoisement des alentours. Les habitants du quartier des Tisserands pourraient être forcés de quitter leur lieu de vie en raison d’une hausse du prix des loyers. «Le soutien des gouvernements à plus grande échelle sera nécessaire afin de réduire ce risque de déracinement de la population», lit-on
70% des bâtiments actuels sont conservés dans les plans proposés par les finissants en urbanisme. Ils abriteraient surtout les 800 habitations, mais aussi des espaces commerciaux, mais dans une proportion moindre.
UNE GRANDE DIVERSITÉ D’HABITATIONS
Sur les 800 portes, on trouverait une diversité répondant à la demande du marché tout en limitant une monotonie dans le paysage urbain. Habitations multifamiliales et bifamiliales, logements de grande taille, maisons de ville, triplex et quelques plex de quatre étages sont prévus dans des immeubles variant d’un à quatre étages. Une résidence pour personnes âgées est à l’agenda au centre du quartier afin de répondre aux besoins de la population vieillissante.
Les auteurs du projet proposent des prix d’achat «raisonnables» et des loyers au coût du marché. Selon eux, la facture importante de la construction empêchera d’offrir des loyers à prix plus abordables. L’achat pourrait varier entre 480 000 $ et 990 000 $ pour une unité. «Ces prix sont justifiés par la qualité du cadre de vie, la proximité des commodités et services à distance de marche et l’attractivité du marché immobilier de Magog», ajoutent les finissants.
Ce vaste complexe comprendrait 70% d’espaces libres et végétalisés, intégrant un réseau de microforêts urbaines, des parcs, une place publique, des cours privées et collectives.
Le Collectif – Planification et Patrimoine souhaite donner une nouvelle vocation au site de la Dominion Textile, qui fut jadis l’une des plus grandes productions textiles au Québec. Son but est de dynamiser l’ensemble du secteur actuellement en déclin économique depuis les 30 dernières années. «Mais comment ramener un vent de dynamisme à cette friche industrielle, qui était autrefois le pilier économique et social de la ville?», telle était la question à la base de plusieurs mois de travaux.
«Le concept du projet «La Filature urbaine» est un rappel aux racines du site. La restructuration aura comme objectif de reconnaître et reconnecter les fils entre le quartier ouvrier et l’usine afin de réactiver et réinvestir ce lieu tout en créant un tissu urbain dense, mixte et dynamique. Ainsi, autrefois, l’industrie fut à l’origine du quartier et dans l’avenir, le quartier sera à l’origine de la reconversion de l’usine», concluent les urbanistes.
Le fruit de ces travaux a été présenté à Magog, samedi dernier (16 novembre), en collaboration avec le Collectif du Quartier-des-Tisserands. Ce projet a été réalisé dans le cadre du projet final du baccalauréat en urbanisme de l’UQAM par six finissants. Il s’agit de Lorry Bisson, Charles Frenette-Cyr, Juliette Grainger, Méliane Massé, Maxime Setlakwe et Jérémie Vincent-Rochette