Tribune libre: monsieur le premier ministre, remettez vos bottes!

La MRC de Memphrémagog vient d’adopter à l’unanimité son règlement 21-16 qui permettra à North Hatley d’envisager un développement important en zone inondable de grand courant (0-20 ans). Faut-il s’en surprendre? Non. 

À peine un peu plus de quatre semaines auront suffi à faire oublier le désastre qui a frappé 261 municipalités du Québec. Au plus fort des inondations, monsieur Couillard, bottes aux pieds, jouait la carte de l’émotion, ne pouvant envisager, au nom du respect humain, d’exiger que des gens soient déracinés de leur quartier. On débloque des centaines de millions. Bien sûr. Nous sommes solidaires et collectivement responsables des erreurs du passé. Mais le premier ministre n’a-t-il pas déclaré du même coup qu’il fallait tirer une leçon de cette épreuve et revoir, en tant que société, notre vision du développement en zone inondable?

Le dossier de North Hatley sème la controverse depuis 2012. Faut-il blâmer la MRC d’aller de l’avant? Non. La MRC joue son rôle de MRC. Les maires vous diront que le cas répond aux normes, que cinq ministères l’ont étudié. En fait, aucun des maires ne se sent le droit de priver North Hatley de cette opportunité, rassurés qu’ils sont par l’intervention des ministères. Et ils ajouteront que North Hatley peut choisir de tout simplement fermer le dossier.

Est-ce que North Hatley fermera le dossier? Bien sûr que non. Puisque la MRC lui donne le droit d’agir, à l’unanimité de surcroît, pourquoi se priverait-elle de ces revenus dont elle a cruellement besoin?

Alors on blâmera le promoteur. Impensable dira-t-on, qu’il songe encore à construire. Mais on aura tort. Le promoteur joue son rôle de promoteur. Depuis cinq ans, on lui fait miroiter que c’est possible. On lui a demandé des dizaines de rapports d’experts. Il a investi. Il y croit. De tout ce beau monde, c’est lui qui a le plus à perdre et il agit selon ce qu’on lui demande. S’il faut trouver un coupable, ce n’est pas lui.

Alors qui? Qui sera responsable et imputable quand dans un an, cinq ans ou 10 ans, il faudra débloquer des millions par solidarité ?

Tout le dossier de North Hatley est fondé sur l’article 5.3 de la Politique de protection des rives, du littoral et des plaines inondables, lequel prévoit l’élaboration d’un plan de

gestion pour bâtir un complément d’aménagement urbain. Pour résumer simplement, la politique permet d’insérer des nouveaux immeubles dans un ensemble déjà bâti à 75%. Dans le cas de North Hatley, pour arriver à ce pourcentage, on a exclu tous les parcs, stationnements et terrains municipaux. Directive du Ministère de l’Environnement nous dit-on à la MRC. Ainsi, on arrive à prévoir l’installation en zone inondable de plus de 200 nouvelles résidences pour une municipalité dont la population permanente n’atteint pas 700 sur tout son territoire.

En tant qu’organisation de protection de l’environnement, on aura beau se tuer à déposer des mémoires, à intervenir auprès des élus, personne ne nous écoutera tant que le gouvernement continuera à cautionner la construction en zone inondable.

Monsieur le premier ministre, vous continuez de permettre, en ce 22 juin 2017, moins d’un mois après le départ de l’armée appelée en catastrophe, que des gens s’installent et s’enracinent en zone inondable, que des municipalités s’illusionnent, que des MRC s’investissent.

Vous qui avez osé couper en santé, en éducation, en environnement, ne croyez-vous pas qu’il est temps de couper en zone inondable? Il faut remettre vos bottes, monsieur Couillard, déposer un moratoire et refaire votre politique.

 

Michel Clairoux, président Bleu Massawippi

Robert Benoit, président Mmephrémagog Conservation