Chronique historique: Quand les vidéos égayaient les soirs de pluie
L’avènement de la télévision, au cours des années 1950, constitue un événement marquant du XXe siècle. Son entrée dans les foyers est fulgurante et presque toutes les familles québécoises possèdent un appareil avant la fin de la décennie. Avec le bungalow, les électroménagers et la piscine, la télévision constitue, sur le plan matériel, un des symboles de l’accession à la classe moyenne.
Avec l’arrivée de Télé-Métropole (le canal 10) et de la couleur, l’offre télévisuelle progresse dans la décennie suivante. Le téléspectateur demeure cependant passif. Ce n’est que pendant les années 1970 qu’apparaît la possibilité pour l’utilisateur d’interagir avec son téléviseur, de » jouer » avec lui.
Les plus âgés se souviennent des parties de ping-pong Atari. Le jeu consiste à déplacer deux barres verticalement de façon à bloquer une balle se déplaçant horizontalement. Il est suivi d’autres innovations, du légendaire Pac-Man à la console Intellivision, perçue un moment comme la plus réaliste sur le marché. Un moment. Car dans ce milieu, tout évolue vite.
En plus du câble, les Québécois voulant une programmation diversifiée trouvent leur compte dans les années 1980. Des chaînes spécialisées, comme MusiquePlus (1986) ou MétéoMédia (1988), voient le jour. Pour les amateurs de cinéma, il y a aussi First Choice (1982), puis Super Écran (1983). Avec le magnétoscope, permettant d’enregistrer les émissions, le téléspectateur a maintenant une plus grande latitude.
Mais ce n’est pas assez. Pourquoi ne pas regarder le film de notre choix sans avoir à attendre qu’il passe à la télévision? De là naissent les clubs vidéo. Ils feront rapidement tache d’huile.
Une chaîne montréalaise, Montréal Stéréo Vidéo (MSV), ouvre à Magog en mai 1983 sous l’impulsion de Dale Wright. Elle a pignon sur rue dans la section de gauche du bâtiment situé à l’angle nord-ouest des rues Sainte-Catherine et Principale (no. civique 205). Après avoir acheté une carte de membre, il s’agit pour le client de prendre un jeton associé au boîtier d’un long métrage en démonstration sur les étagères. Il remet le jeton au commis qui lui loue le film pour 3 $ par jour, ou un tarif réduit pour 3 films sur semaine. Le client doit ensuite le retourner, comme on le fait avec un livre à la bibliothèque. Au début, le gérant, Louis Grenier, se souvient qu’il offrait un peu plus de 200 films.
Les clubs vidéo gagnent en popularité. D’autres bannières voient le jour à Magog, dont Vidéo Sélection (VS) de Jean-Pierre Bourret et Luc Dion. De plus, les dépanneurs participent à l’offre (Merry Nord, Tupper, 10-10, etc.), ce qui fait qu’on peut trouver des vidéos dans presque tous les quartiers de la ville. Les clubs sont aussi en expansion. À son sommet, MSV possède par exemple plus de 3000 films. En 1990, il déménage même dans un local plus spacieux, place du Commerce, dans le bâtiment où se trouvait auparavant le salon funéraire Brien. Tandis que VS reluque de plus grands espaces sur les rues Sherbrooke et Principale.
La demande est au rendez-vous. On vient souvent » se chercher une vue » en couple ou avec les enfants. Les vendredis en soirée, aussi les samedis, particulièrement lorsque le temps est pluvieux, les commis ne fournissent pas de louer les films et de gérer les retours. Les clubs répondent de plusieurs façons à la clientèle. On y vend ou y loue des appareils de visionnement, de quoi grignoter. On y aménage aussi une section plus discrète, pour les films pornographiques. Le DVD s’impose et les jeux gagnent en popularité, comme le Nintendo.
La donne change graduellement à Magog au cours des années 1990. L’arrivée du géant Vidéotron, dans un local adjacent à l’épicerie Métro, a un impact certain. MSV ferme en 1997, VS quelques années plus tard. Puis, ce sera le tour de Vidéotron. D’autres persistent néanmoins, avant que seulement quelques commerces continuent de faire la location de films à Magog au cours du XXIe siècle.
L’arrivée de l’ordinateur personnel accélère la transition, tandis que la télévision continue d’évoluer. Avec les services de films » à la carte « , il est maintenant possible d’avoir accès à des banques importantes en gardant les pieds sur le pouf. Cette nouvelle mode est maintenant bien ancrée. Avant qu’elle ne subisse, elle aussi, l’épreuve du temps.
Serge Gaudreau et Maurice Langlois