L’itinérance est maintenant bien visible à Magog
PAUVRETÉ. Longtemps vécue à l’écart du grand public et dans une certaine forme d’ignorance, l’itinérance fait maintenant partie de la réalité de Magog alors que les gens sans domicile fixe sont de plus en plus visibles, principalement au centre-ville.
Les citoyens qui ont l’habitude de fréquenter la rue Principale Ouest, par exemple, ont fort possiblement remarqué la présence de gens en situation de pauvreté, trimballant avec eux tous leurs biens, faute d’avoir un toit pour se loger. Il s’agit d’une réalité assez nouvelle pour Magog, contrairement à de grands centres comme Montréal où cette cohabitation existe depuis longtemps.
« Le portrait a beaucoup changé depuis que j’ai commencé, il y a sept ans, constate l’intervenante de proximité en itinérance à Ressource Relais Memphrémagog, Janie Lefebvre. Avant, l’itinérance existait, mais sous une forme invisible. On parlait davantage de gens qui dormaient d’un endroit à l’autre, sans que le reste de la société s’en rende vraiment compte. Maintenant, on le voit. Des personnes sont à la rue et elles ont besoin d’aide. »
L’un des faits nouveaux est l’apparition de campements temporaires, comme c’est le cas notamment derrière le magasin Tigre Géant, de la rue Sherbrooke. Il y a aussi les visages des sans-abris qui ont beaucoup changé au fil du temps. « On a longtemps associé itinérance avec des hommes âgés, sans travail, avec des problèmes de santé mentale. Et pourtant, on a plus de femmes que d’hommes, tout comme des gens qui sont en pleine santé physique et mentale. Il y en a même qui ont un travail, mais qui sont incapables d’arriver. »
« Il faut arrêter d’avoir des préjugés ou de catégoriser ces gens qui sont, en fait, des personnes comme vous et moi. De nos jours, avec les coûts de la vie qui explosent partout, personne n’est à l’abri de se retrouver en situation précaire. Il suffit parfois d’un seul imprévu pour tout faire chavirer », observe l’intervenante.
Janie Lefebvre est intervenante de proximité en itinérance à Ressource Relais Memphrémagog. (Photo Le Reflet du Lac – Pierre-Olivier Girard)
Une crise du 1er juillet à l’année
Dans la région de Memphrémagog, la période critique du 1er juillet dernier, avec le renouvellement de bail, s’est relativement bien déroulée. Il y a eu trois admissions en hébergement d’urgence chez Solidarité Logement, qui compte deux appartements 4 ½ à Magog. Ceux-ci sont offerts gratuitement, en colocation, pour une durée de trois mois maximum.
Toutefois, si ce portrait peut sembler positif, Janie Lefebvre assure que la situation sur le terrain est loin d’être rassurante. « Avant, il y avait deux grosses périodes dans l’aide en hébergement, soit le 1er juillet et juste avant l’hiver. Maintenant, on est en mode 1er juillet à l’année, tellement il y a de demandes. Parfois, on n’a pas le choix de déraciner certaines personnes en faisant appel à des organismes de l’extérieur, comme à Sherbrooke et Granby. Mais là aussi, les ressources sont complètement débordées », observe-t-elle.
Pourtant, comme le soutient l’intervenante de proximité en itinérance, l’une des solutions connues est la construction de logements abordables, qui sont une denrée rare en sol magogois. Il existe notamment les logements sociaux de l’Office municipal d’habitation de Magog, mais il y a beaucoup d’attente pour y avoir accès.
Depuis peu, Solidarité Logement a aménagé un appartement « transitoire », offert à 500 $ tout inclus, où une personne sortant de la rue peut se loger pour une période de six mois maximum, le temps de s’organiser pour la suite des choses. « Se loger, c’est un besoin de base. Sans toit, comment une personne peut-elle s’épanouir, avoir un emploi stable et se bâtir un réseau social ?, soutient Mme Lefebvre. À Magog, il y a vraiment un grand manque et ces gens que nous voyons dans la rue aujourd’hui, il y en aura encore plus dans les années à venir. Car pour être sur le terrain, je le vois. La situation se dégrade de jour en jour, de semaine en semaine. Et personnellement, je trouve ça extrêmement préoccupant. »
Une abordabilité à géométrie variable
Rappelons que d’ici 2030, la Ville de Magog vise la construction de 220 nouveaux logements de tout type par année, soit une hausse d’environ 100 portes additionnelles par rapport à ce qui est fait actuellement. Selon la nouvelle Politique d’habitation, au moins 20 % de ces unités seront consacrées aux logements abordables, sociaux ou familiaux, en étant offertes à 80 % du prix moyen du marché.
« Toutes ces mesures sont un pas en avant. Mais le problème, c’est la définition de l’abordabilité. À Magog, le prix moyen d’un logement est maintenant autour de 1500 $, alors qu’il n’y a pas si longtemps, on parlait de condos de luxe à ce prix. Et on voit même déjà sur le marché des logements à plus de 2000 $ et même 2500 $. Imaginez qu’est-ce que ce sera dans cinq ou dix ans», conclut-elle.
Vous êtes en situation d’itinérance et vous avez besoin d’aide ? Ou encore, vous souhaitez aider ces gens ? Contactez directement Janie Lefebvre au 819 580-0895.