La pandémie a malmené la santé mentale des femmes enceintes, dit une étude
MONTRÉAL — La santé mentale des femmes enceintes a été frappée de plein fouet par la pandémie de COVID-19, prévient un volet réalisé à Montréal de l’étude internationale CONCEPTION.
L’impact de la pandémie est encore plus grand que celui d’autres crises historiques, comme la crise du verglas de 1998 ou la crise du virus Zika, prévient Anick Bérard, qui est chercheuse au CHU Sainte-Justine et professeure titulaire à la Faculté de pharmacie de l’Université de Montréal.
Ses collègues et elles ont constaté que 23% des femmes enceintes ou post-partum souffraient de symptômes dépressifs majeurs. Chez près de 40 % de ces femmes, l’ampleur des symptômes allait de modérée à sévère, et ils étaient notamment associés à l’anxiété et au stress.
Si, règle générale, très peu de gens ont été infectés par le SRAS-CoV-2, tous ont dû composer avec l’impact de la pandémie, comme des mesures sanitaires qui variaient parfois d’une semaine à l’autre, a rappelé la professeure Bérard.
Un impact anxiogène sur la population en général, et sur des populations particulières comme les femmes enceintes, était donc prévisible, si on se fiait à l’impact de crises précédentes.
«L’impact de la pandémie COVID-19 sur la santé mentale des femmes enceintes, c’est deux fois plus important que ce que la crise du verglas a eu, que les feux de forêt en Alberta», a-t-elle illustré.
Mais contrairement à la crise du verglas ― qui n’a touché que quelques régions du Québec, qui n’a duré qu’une trentaine de jours et pendant laquelle on n’avait pas à craindre d’être infecté par son voisin ― la pandémie frappe tout le monde et nous affrontons un virus très contagieux.
D’après l’étude, des trois vagues de la pandémie qui ont été analysées, c’est la deuxième (entre décembre 2020 et avril 2021) qui a été la plus lourde de conséquences sur la santé mentale des femmes enceintes.
«Si on se remet dans le bain, au tout début, lorsqu’on a tout fermé ici au Québec, le 13 mars 2020, tout le monde avait peur, on avait peur de sortir de chez soi, a rappelé la professeure Bérard. Et aussi, il n’y avait pas de fin en vue parce qu’après la première vague, on a rouvert durant l’été (…), puis là, tout d’un coup, Delta est arrivé, et on est retourné en mode fermeture complète.»
Toutes les ressources du système de santé ont été redirigées à la lutte contre le coronavirus. Les suivis dont les femmes enceintes avaient besoin ont commencé à se faire virtuellement ou par téléphone. Certaines hésitaient à se rendre à l’hôpital pour une échographie, de peur d’être exposées au virus. Les restrictions mises en place par les hôpitaux laissaient planer la menace qu’elles doivent accoucher seules, sans la présence de leur partenaire.
«À peu près (le quart) de nos femmes enceintes ou qui venaient tout juste d’accoucher qui souffraient de symptômes dépressifs sévères (…) c’est énorme, et en parallèle l’accès aux soins était très limité, a dit Mme Bérard. Tout ça mis ensemble, c’est sûr que c’est un cocktail explosif.»
La dépression, l’anxiété et le stress chez les femmes enceintes sont associés à des risques de naissance prématurée, à un plus petit poids à la naissance et à des problèmes cognitifs durant l’enfance.
Il sera donc primordial de suivre ces femmes et leurs bébés au cours des prochaines années pour prendre la pleine mesure qu’aura eue cette crise sur leur santé.
«On ne veut pas que tout le monde parte en peur, mais l’impact (de la pandémie) a été deux fois plus important que celui de la crise du verglas, a répété Mme Bérard. Les derniers enfants du verglas viennent d’avoir 18 ans et il y a vraiment eu des impacts marqués à long terme, alors on s’attend à en voir au minimum le double.»
Plus de 3000 Canadiennes ont été recrutées en ligne et dans certaines cliniques obstétricales entre juin 2020 et août 2021 aux fins de cette étude, soit 2574 femmes enceintes et 626 femmes ayant accouché.
Les participantes enceintes ont rempli un questionnaire en ligne à deux reprises, soit au moment du recrutement durant la grossesse et deux mois après l’accouchement. Les femmes ayant déjà accouché n’ont rempli le questionnaire qu’une seule fois.
Les résultats de cette étude ont été récemment publiés par l’International Journal of Environmental Research and Public Health.
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