«Précarité énergétique»: manifestation contre le PL69 devant le bureau de Legault

MONTRÉAL — Des organismes communautaires et des syndicats qui craignent notamment que le projet de loi 69 sur l’énergie entraîne une hausse des tarifs d’électricité ont manifesté devant le bureau du premier ministre du Québec, mercredi à Montréal.

Des dizaines de personnes se sont bruyamment rassemblées devant le bureau de François Legault sur la rue Sherbrooke un peu avant midi.

Parmi eux, Daniel Tremblay tenait une banderole sur laquelle figurait l’expression «précarité énergétique», accompagnée d’une définition: «Incapacité pour un ménage d’accéder à l’énergie nécessaire sans sacrifier ses besoins de base ou renoncer à d’autres biens couramment consommés».

M. Tremblay loue le même logement du nord de Montréal depuis 20 ans, un appartement très mal isolé, selon lui, qui lui «coûte une fortune à chauffer en hiver» et il craint une augmentation des tarifs d’électricité dans les prochaines années.

«Il faut qu’Hydro tienne compte de ceux qui sont vraiment mal pris pis qui n’ont pas d’argent à « pitcher » par les fenêtres», a-t-il fait valoir.

L’ ACEF du Nord de Montréal, un organisme qui compte Daniel Tremblay parmi ses bénéficiaires, fait partie des organisateurs de la manifestation.

Cette association coopérative d’économie familiale aide les gens dans le besoin à faire des budgets, à trouver des solutions à l’endettement, ou encore à négocier des ententes de paiement avec Hydro-Québec, s’ils sont incapables de payer le distributeur d’électricité.

«On constate sur le terrain que c’est déjà difficile pour les gens de payer la facture en électricité. Au Québec, c’est un ménage sur sept qui est en situation de précarité énergétique», mais «c’est un service essentiel qui doit rester abordable», a expliqué Émilie Laurin-Dansereau, conseillère budgétaire à l’ ACEF du Nord de Montréal.

«Alors on dénonce les dérives du projet de loi 69 sur l’énergie qui a été déposé au mois de juin. S’il est adopté tel quel, il risque de faire augmenter beaucoup la facture d’Hydro-Québec», a-t-elle ajouté.

Une «hausse plafonnée à 3 %»

Le projet de loi 69 vise à modifier l’encadrement du secteur énergétique, notamment afin de répondre à la hausse de la demande exigée pour l’important défi de la décarbonation de l’économie. Il faut savoir qu’Hydro-Québec prévoit investir jusqu’à 185 milliards $ d’ici 2035 afin de doubler sa production.

Le gouvernement Legault a promis que la hausse des tarifs d’électricité résidentiels sera plafonnée à 3 % jusqu’aux élections de 2026.

«Par contre, on ne sait pas ce qui va arriver après 2026 et c’est ce qu’on craint», a indiqué Émilie Laurin-Dansereau.

«Mais c’est aussi l’idée que les tarifs ne devraient pas être politiques, c’est la Régie de l’Énergie qui devrait prendre une décision basée sur les coûts de production et de distribution et de transport de l’électricité. Donc ça ne devrait pas être le gouvernement qui intervient là-dedans», a-t-elle ajouté.

Son organisme craint que les dépenses massives en infrastructures prévues par Hydro-Québec au cours des prochaines années fassent «porter une proportion injuste des coûts de la transition énergétique sur les ménages à faibles revenus».

Cette crainte est partagée par le Front commun pour la transition énergétique, qui est d’avis que le projet de loi 69 «favorise un développement industriel énergivore effréné» qui pourrait «reporter injustement le coût de ce développement industriel» sur les tarifs d’électricité.

«On sait que les plus vulnérables sont ceux qui ont le moins contribué à la crise climatique et ce sont aussi ceux qui sont le plus affectés (par la crise climatique), donc il ne faut pas leur faire porter l’odieux de payer plus», a indiqué la porte-parole du Front commun pour la transition énergétique, Mélanie Busby, qui a pris la parole devant les manifestants.

Au début du mois de septembre, lors des premiers jours de la consultation sur le projet de loi 69, le PDG d’Hydro-Québec, Michael Sabia, et la ministre de l’Économie et de l’Énergie, Christine Fréchette, ont tenté de se faire rassurants en indiquant que les dépenses d’Hydro-Québec, qui compte doubler sa production au cours des prochaines années, n’auront pas d’effet sur les tarifs résidentiels.

Une lettre envoyée au premier ministre

La manifestation de mercredi devant le bureau du premier ministre était organisée par l’ACEF du Nord de Montréal, le regroupement d’organismes Trovep Montréal ainsi que des syndicats d’Hydro-Québec affiliés au Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP).

Le SCFP est notamment préoccupé par le projet de loi 69 car celui-ci «ouvre la porte à des projets privés de production et de transport d’électricité, allant à l’encontre du modèle québécois en place depuis 1963», peut-on lire dans un communiqué de presse du syndicat.

Les groupes qui ont participé à la manifestation ont récemment signé une lettre ouverte, envoyée mardi au premier ministre et à la ministre de l’Énergie et qui demande de «suspendre les procédures menant à l’adoption du PL-69 et de retourner à la planche à dessin à la suite d’un réel débat public sur l’avenir énergétique du Québec». Des dizaines d’organisations de la société civile ont signé cette lettre.