Une meilleure utilisation des vaccins combattrait l’antibiorésistance, rappelle l’OMS

MONTRÉAL — Une utilisation plus optimale de la vaccination permettrait potentiellement d’éviter l’administration annuelle de 2,5 milliards de doses d’antibiotiques et de combattre la résistance antimicrobienne, précise un rapport récent de l’Organisation mondiale de la santé.

Le rapport porte plus spécifiquement sur les vaccins contre 24 pathogènes et indique qu’une meilleure utilisation de la vaccination réduirait de 22 % le recours aux antibiotiques chaque année.

«Les vaccins sont un élément essentiel de la réponse visant à réduire la résistance antimicrobienne, car ils préviennent les infections, réduisent l’utilisation et la surutilisation des antimicrobiens et ralentissent l’émergence et la propagation d’agents pathogènes résistants aux médicaments», prévient ainsi par voie de communiqué l’agence onusienne de la santé.

Certains de ces vaccins existent déjà, mais d’autres devraient être développés, précise l’OMS.

L’organisation estime que la résistance antimicrobienne (RAM) cause cinq millions de décès chaque année. Une meilleure utilisation des vaccins disponibles contre la pneumonie à pneumocoque; contre une bactérie qui cause la pneumonie et la méningite; et contre la fièvre typhoïde pourrait permettre d’éviter 106 000 décès causés par la RAM chaque année, selon l’agence onusienne.

De nouveaux vaccins contre la tuberculose et contre une forme de pneumonie permettraient quant à eux d’éviter annuellement presque 545 000 pertes de vie attribuées à la RAM. À eux seuls, les nouveaux vaccins contre la tuberculose permettraient aussi d’éviter l’administration d’entre 1,2 milliard et 1,9 milliard de doses d’antibiotiques chaque année.

À l’échelle mondiale, les coûts hospitaliers liés au traitement des agents pathogènes résistants évalués dans le rapport sont estimés à 730 milliards $ US par an, dit l’OMS. Si des vaccins pouvaient être déployés contre tous les agents pathogènes évalués, ils permettraient d’économiser un tiers des coûts hospitaliers liés à la résistance antimicrobienne.

Derniers retranchements

«De penser qu’on est revenus au temps où va perdre des gens aux mains d’une bestiole parce qu’on n’a plus d’antibiotiques pour les traiter est, à mon sens, inimaginable», a dit la docteure Caroline Quach-Thanh, du CHU Sainte-Justine.

La résistance antimicrobienne survient quand des bactéries, virus, champignons et parasites développent une résistance aux molécules utilisées pour les combattre. Le problème est alimenté en bonne partie par une utilisation inappropriée ou une surutilisation des produits antimicrobiens.

Certains pathogènes ont maintenant acquis une résistance à pratiquement tous les produits connus, ce qui pousse les médecins dans leurs derniers retranchements.

«On a des patients qui doivent utiliser des antibiotiques de manière récurrente (pour différents problèmes de santé), a dit la docteure Quach. J’ai vu des patients pour qui je me suis demandée avec quoi on allait les traiter la prochaine fois parce qu’on est pas mal rendus au bout de notre arsenal.»

Donc, si on pouvait utiliser un vaccin pour prévenir ces infections, a-t-elle ajouté, le patient et le médecin n’en seraient que plus heureux, «parce qu’il n’y a rien de drôle à recevoir des antibiotiques par intraveineuse tous les trois ou quatre mois à l’hôpital parce qu’il n’y a plus rien qui fonctionne par la bouche».

Dans les pays développés où le vaccin contre le pneumocoque a été déployé, a rappelé la docteure Quach, il s’est révélé tellement efficace qu’on a constaté une baisse importantes des infections au pneumocoque résistantes aux antibiotiques les plus sophistiqués, au point où on a même pu faire un pas par derrière et revenir aux antibiotiques précédents.

Mais ce programme de vaccination est dispendieux et n’est donc pas à la portée de tous les pays, a ajouté la docteure Quach. L’OMS rappelle donc que son implantation permettrait non seulement de sauver des vies, mais aussi de réaliser des économies importantes en bout de compte.

«Et si la typhoïde n’est pas un problème pour le Canada, dans les pays où elle est présente, on voit de plus en plus de typhoïde résistante aux antibiotiques, a-t-elle poursuivi. Mais si on peut donner un vaccin, que la bestiole soit résistante ou pas, on ne l’aura juste pas attrapée et on n’aura pas besoin de la traiter.»

On peut avoir l’impression que le Canada n’est pas concerné par le problème de la résistance antimicrobienne, a dit la docteure Quach, mais ce n’est pas si vrai. On n’a qu’à penser aux voyageurs qui ramènent un passager clandestin indésirable dans leur organisme ou encore aux souches de tuberculose résistantes qui circulent au pays, notamment dans les communautés des Premières Nations.

«De toujours dire, ‘c’est la fin du monde on va mourir’, mais sans offrir de solutions, on n’est pas plus avancés, a conclu la docteure Quach. Ce rapport-là met la table pour l’implantation de vaccins qui existent déjà, mais aussi pour la recherche. C’est intéressant de dire ‘voici ce qu’on pourrait sauver comme vies si on mettait tous ces vaccins-là en place’. Ce n’est pas rien.»