Oakland: les partisans des Athletics sont confrontés à la fin d’une époque

Les Athletics ont depuis belle lurette cette dualité à la Jekyll et Hyde – l’un des clubs ayant eu le plus de succès dans le baseball majeur, mais aussi l’un de ceux traînant le plus de la patte.

Ils ont gagné neuf fois la Série mondiale, mais ils ont connu 19 saisons d’au moins 100 défaites.

Maintenant, l’amertume est à son comble pour une légion de leurs partisans.

Cela, dans un contexte où leur propriétaire est le milliardaire John Fisher, héritier de la famille fondatrice de l’entreprise The Gap, en 1969. Un an après l’arrivée des A’s à Oakland, à partir de Kansas City.

Cette semaine se tiennent les derniers matches locaux d’une époque de 57 ans dans cette ville souvent placée dans l’ombre de sa mythique et réputée voisine, San Francisco.

«Je sais que ces jours-ci seront toujours parmi les meilleurs moments de ma vie, a dit le supporter de longue date Will MacNeill, âgé de 40 ans, en songeant au départ de l’équipe – une fin imminente, qui déchire l’âme.

«Que ce soit un milliardaire qui m’enlève tout ça, c’est frustrant.»

Les A’s sont la dernière équipe professionnelle du secteur East Bay où habitent 2,8 millions de personnes, de l’autre côté de San Francisco.

Au fil du temps, ils en sont venus à incarner le côté col bleu avec un petit extra de la région.

Les uniformes colorés et les moustaches de la première moitié des années 1970. Les gros muscles des Bash Brothers de la fin des années 1980. Les négligés débrouillards des années 2000 – générant même un film, «Moneyball».

Désormais délabré, le Coliseum est devenu un repaire et un repère, où des gens de toutes origines socio-économiques y trouvaient une cause commune.

«C’était vraiment un lieu de rassemblement», a dit plus tôt cette année Jim Zelinski, un partisan de longue date des A’s.

Son père l’a amené au tout premier match le 17 avril 1968 – un revers de 4-1 contre les Orioles de Baltimore, devant 50 164 personnes.

Travailleurs d’un port en effervescence, hippies, gens de la techno de Silicon Valley et plus et plus, tous s’y retrouvaient.

«Les A’s sont une partie indélébile de cette communauté, a dit Zelinski. Tout le monde était si fier des équipes elles-mêmes, mais aussi du sentiment d’appartenance que ça nous donnait.»

Les Raiders ont tourné le dos à Oakland deux fois: en 1982, pour aller à Los Angeles (et revenir en 1995), puis en 2020, s’installant à Las Vegas. Les Warriors jouent à San Francisco depuis 2019.

«Ça s’est échelonné sur tellement longtemps que cette fois, ce départ-là est comme une mort lente qui me ronge à chaque jour», a dit le partisan des A’s Mike Silva, 72 ans, essuyant des larmes en montrant certains de ses vieux billets.

Après que les A’s aient choisi Las Vegas comme les Raiders, Fisher a tourné le fer dans la plaie. Plutôt que de rester au Coliseum, il va installer le club à environ 135 km au nord-est à Sacramento, dans un stade des ligues mineures. Cela pour au moins trois ans, le temps de bâtir un nouveau stade au Nevada.

«Je sais qu’il y a une grande déception et même de l’amertume, a écrit Fisher dans une lettre au public, lundi. Je peux vous dire ceci venant de mon coeur: nous avons essayé. Rester à Oakland était notre but et notre mission, et nous avons échoué. Pour cela, je suis sincèrement désolé.»

Alors que la fin approche, viennent en tête des mots prononcés jadis par Bart Giamatti, ancien commissaire du baseball majeur, à propos de ce sport: «Ça vous brise le coeur. C’est conçu pour vous briser le coeur.»