Tribune libre: Montréal et le désert québécois!
Je n’en reviens tout simplement pas». Je viens de lire que le projet de série d’animation mettant en vedette le personnage d’Amos Daragon de l’écrivain québécois Bryan Perro ne recevra pas d’argent de Québec (La Tribune, 13 juin 2017).
Ce projet de l’entreprise IceWorks Animation aurait créé une cinquantaine d’emplois à Magog qui en a bien besoin pour accélérer sa mutation économique, car son secteur manufacturier a vécu des heures difficiles. IceWorks est membre de Magog Technopole, un organisme qui ne ménage pas ses efforts pour favoriser l’implantation d’entreprises innovantes dans ce joyau de l’Estrie.
Le Gouvernement québécois, qui a promis d’investir 100 millions $ dans le secteur de l’intelligence «artificielle», concentré à Montréal, ne peut-il pas trouver 2,7 millions $ à investir dans l’intelligence «humaine» qui consiste à raconter de belles histoires à la jeunesse sous forme de dessins animés télévisés produits chez nous?
La ministre Dominique Anglade a expliqué que le projet magogois ne cadrait dans aucun programme de son ministère. J’aimerais bien connaître les critères qui permettent au ministère de l’Économie, de la Science et de l’Innovation d’évaluer les projets qui lui sont soumis. Peut-être que la suite de livres d’aventures fantastiques de Bryan Perro, traduite en 22 langues, n’a pas connu assez de succès ? Peut-être que le fait que la compagnie avait déjà une entente de diffusion avec Radio-Canada diminuait un peu trop le risque pour Investissement Québec? Ou peut-être que le fait qu’IceWorks appartienne à un pôle technologique régional défavorisait la grande ville ? Quelle valeur les fonctionnaires du MÉSI ont-ils accordée aux arguments du député Pierre Reid, qui doit sentir le pouls de sa région correctement puisqu’il y a été élu une demi-douzaine de fois?
Si vous discernez une pointe d’ironie dans mes questions, vous ne faites pas erreur. Vous aurez compris que je suis furieuse et si vous partagez mes sentiments, je vous encourage à les manifester à votre tour.
J’ai eu le privilège de travailler pour un grand premier ministre, Robert Bourassa, qui se souciait vraiment des régions. J’étais chargée du courrier concernant le développement régional dans son cabinet. Alors, devant ce refus de soutenir un projet qui aurait pu apporter une bouffée d’oxygène à Magog, je me dis que le présent gouvernement libéral fait bien piètre figure en matière d’aménagement du territoire en comparaison de celui de M. Bourassa. Les investissements pleuvent sur Montréal (intelligence artificielle, réseau électrique métropolitain (REM), Grand Prix, 375e anniversaire, etc.) tandis qu’on peine à trouver quelques miettes pour Magog.
Dans un article sur le développement régional publié dans l’Encyclopédie de L’Agora sous la plume de Line Noreau on peut lire: «Il faudra qu’à un certain moment les gouvernements choisissent entre une province ayant plusieurs villes d’importance et de force égale comme en Allemagne fédérale ou une province n’étant qu’un sous-pays dirigé par un monstre de gigantisme comme Montréal, structure qui ressemblerait étrangement à celle des pays sous-développés, comportant une métropole et… le reste.» L’auteure ajoute «En France, on dit: «Paris et le désert français» ; peut-être qu’un jour nous pourrons aussi dire: «Montréal (et Québec ?) et le désert québécois».
Andrée Mathieu
Auteure et résidente
Magog